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19 May

" L'Œuvre de Sang ", de David Lecomte (2012)

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

La toute première publication des Éditions Fleur Sauvage !

La toute première publication des Éditions Fleur Sauvage !

Parce qu'on ne peut pas tout connaître, ni tout lire dès sa sortie, je découvre avec plaisir le 1er tome d'une trilogie, au titre éponyme : L'Œuvre de Sang.

Publié initialement en 2012, puis en 2013 pour le lancement des Éditions Fleur Sauvage (qui compte désormais un catalogue bien rempli et hétéroclite ), ce thriller fantastique a tout pour vous séduire. Et ça n'est pas pour rien s'il a déjà récolté des critiques plus que positives !

Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques mots sur la toute première couverture de Bertrand Binois (qui nous a bien émerveillé depuis) pour Fleur Sauvage : rouge. Symboliquement, le sang, la vie, la passion... mais aussi la mort (violente). Et cette étrange fleur qui semble posséder quelques dents. Une sorte d'hybride de lotus, quelque peu flippante mais tout autant fascinante. À première vue, on pense à un manuel de botanique ? LOL... Non, mais les fleurs auront leur importance tout au long du récit. Les fleurs sauvage en particulier, celles qui poussent, insolites & singulières, sur les bords des routes, dans des endroits incongrus, à côté de la vermine... Bref. Un joli clin d'œil également à la ligne éditoriale si chère à l'auteur qui est (je le rappelle pour celles & ceux qui l'ignoreraient) le Directeur des Éditions Fleur Sauvage + Aconitum depuis.

Mais telle une fleure vénéneuse, la couverture attire l'œil du lecteur par son originalité et ce qu'elle dégage. Le piège se referme et on a envie de se laisser ensorceler. Et c'est que ça marche en plus !!!

-> " Mon premier photographie ses victimes

Mon deuxième se rapproche du premier et cherche à comprendre ses mystérieux pouvoirs

Mon troisième, c'est les autres

Mon tout est une œuvre. "

" Un mini Stephen King à la française " - Critique Libre

" Une goutte de magie dans l'univers sombre du thriller " - La Voix du Nord

Quelques fleurs sauvages... mises en valeur

Quelques fleurs sauvages... mises en valeur

De cet ouvrage, il est crucial de ne pas trop en dire, histoire de préserver le suspens et les rebondissements.

Sachez, néanmoins, que dès la première page, on rentre direct dans l'intrigue. Pas un seul temps morts au sein des 234 pages qui composent ce premier tome. Car oui, L'œuvre de sang est une trilogie, et si ce premier tome a bien une fin en soi, l'histoire continue malgré tout.

Il était une fois un certain Paul Cadron, en vacances dans un trou paumé quelque part dans un coin de campagne français (genre la Bourgogne). Perdu, alors qu'il erre sur un chemin campagnard, il est alerté par deux détonations. Arrivé devant le pas de porte d'une maison, il y découvre une femme complètement hagarde aux côtés d'un homme quelque peu refroidi sur le carrelage de la cuisine. L'arme encore fumante à la main, Paul découvre que la femme, Justine, vient de tuer son mari pour un obscur motif. Attiré par la scène incongrue, le touriste se confronte à la meurtrière, en état de choc. Cette dernière souhaite s'en tirer à bon compte (consciente quand même d'avoir pris d'une vie, et que ça va se payer) et demande à Paul un service très inhabituel. Ou plutôt, elle l'exige. Face à la menace d'un flingue, n'importe qui peu obtenir n'importe quoi, non ? Mais Paul se laisse dépasser par quelque chose d'indéfinissable, et alors qu'il n'était sensé que frapper la femme, pour faire croire à de l'auto-défense, il perd le contrôle... Contemplant le résultat de son déchaînement de violence, l'inspiration le frappe. Oui. Paul est photographe, et complètement habité par son art, ce soir là... De là, naît sa 1ère œuvre. Une œuvre faite de sang.

Deux ans plus tard, Jérémy, 12 ans, orphelin, emménage à Lille avec sa grand-mère. C'est la rentrée des classes. Il ne connaît pas grand monde mais d'emblée croise le sourire chaleureux de la petite Nadia. Puis vient un cours de mathématiques et ce professeur. Monsieur Caudron. L'appel commence puis l'impensable : Jérémy reconnaît son professeur. Et se souvient l'avoir aperçu deux ans plus tôt... Mais Jérémy n'est pas un ado comme les autres. Quand il perd le contrôle, quand une émotion prend le dessus, des choses se passent tout autour de lui. Des choses inexplicables sur lesquelles il ne parvient pas toujours à avoir du contrôle.

Dès lors, une étrange relation va se tisser entre le professeur-photographe et son jeune élève... précipitant les gens autours d'eux dans un chaos dévastateur...

-> " Vous reprendrez bien une petite dose ? "

L'Art.

En voilà quelque chose de subjectif, et dans lequel la beauté est somme toute relative et sujette à controverses, et au point de vue de chacun. " C'est beau ! ", " C'est moche ! ". On a tous été confronté à cela : des chefs-d'œuvre qui nous laissent complètement froids, ou au contraire, des bizarreries qui nous emportent loin, très loin ! Et que dire de ces nouvelles formes d'expression artistiques, telles que la plastination. Un sujet fort intéressant, qui me semble être de circonstance : rendu célèbre grâce au célèbre professeur anatomiste allemand Gunther Von Hagens, " Our Bodies " est une exposition qui a fait le tour du monde, et créé bien des polémiques en 2005. Pourquoi ? Un exemple, avec une seule image :

Je vous ai mis la plus soft... (hum... hum...)

Je vous ai mis la plus soft... (hum... hum...)

Bon, on dirait une momie, hein ? Et si je vous disais que cette photo n'est pas une reconstitution ? Que ce que vous avez sous les yeux est véritablement un humain. Plastiné. Une invention un peu folle, un procédé permettant de conserver les cadavres pour pouvoir ensuite, au gré de ses envies, de l'inspiration, les transformer, les remodeler... Là, soit vous être ébahi et trouvez ça magnifique (auquel cas un expertise psychiatrique devrait sans doute être envisagée vous concernant). Soit, comme moi, vous vous sentez mal. Non pas parce que c'est un corps mort. Mais plutôt par rapport à ce que ça suggère, ce que ça pose comme questionnement en terme d'éthique, d'art, de respect...

Oui, l'art divise dans ces cas-là...

Et puis, il y a les photographies géantes qui provoquent un tout autre effet. Les esprits malléables en redemandent, n'y voyant qu'une extraordinaire célébration de la beauté. Une beauté qui pousse à la contemplation quasi religieuse, obsessionnelle, à des comportements plus que bizarres, ou à exprimer sa passion et son désir animalement... Puis, il y a ceux capables de prendre du recul, de sentir que quelque chose cloche avec une exposition de photographies de fleurs, en somme toute banale (à première vue).

Ce roman traite avec brio de ce rapport à l'art que nous avons tous. De ce qu'il peut susciter, en terme d'émotion, mais aussi de dépassement de soi : par exemple, l'artiste (complètement obnubilé, habité), désespérément en quête d'inspiration, devant sans cesse (à chaque œuvre) se dépasser, faire mieux, taper plus fort, se renouveler, aller plus loin. Prêt à tout au nom de la prétendue beauté de son art : quitte à utiliser les siens comme une vulgaire matière première, quitte à y perdre son humanité, son âme.

-> Une longue quête de la vérité

Véritable récit initiatique, on comprend très vite, à la lecture de ce 1er tome, qu'on va s'attacher à suivre l'évolution de Jérémy.

En effet, beaucoup de questions nous assaille sur le passé de cet adolescent peu commun, sur les raisons qui l'ont amené à posséder de tels dons et aptitudes. Mais on sent également que ce personnage fort attachant (malgré que ça n'est qu'un gamin en proie aux affres de l'adolescence), a un fort potentiel de dualité. Au point où il pourra soit basculer dans la noirceur, soit s'élever.

De plus, l'auteur a nimbé son introduction d'une ambiance fantastique, sur fond de satanisme. Et là où j'applaudis c'est qu'on ne nous ressort pas l'habituelle " satanisme = sacrifices = plus de pouvoir etc... vous connaissez, tout comme moi, les clichés (débiles) qui circulent là-dessus.

Non, ici ça semble être plus profond même s'il nous faudra avoir lu les 2 tomes suivants pour saisir pleinement le sens de ces quelques bribes lâchées dans notre œuvre de sang.

< EXTRAITS >

" Sans reprendre son souffle, le visiteur ouvrit sa sacoche pour en sortir un luxueux appareil photo. Il cadra, déclencha l'obturateur, révélant sur l'écran de contrôle le tableau sombre et morbide d'un couple mort, drapé de sang. Puis Paul haletant, sens en alerte, se mit à chercher une autre image, dans cette même pièce.

Il vit des fleurs qu'on aurait dit sauvages.

Certaines, aux pétales vertes bordées de rouge, étaient semblables à des clochettes. Elles en surplombaient d'autres, petites et violacées. Peu nombreuses et groupées, toutes semblaient sortir du sol, se frayer un chemin entre les jointures du carrelage. L'homme fit brièvement quelques réglages, ajusta le cadre. Et déclencha.

Quand il regarda le résultat, son visage s'illumina tant qu'il faillit pleurer.

- C'est... C'est magnifique ! expira-t-il, comme dans un état de grâce. "

(...)

" La réussite dans la vie n'est souvent qu'une simple question d'opportunité. On peut avoir le plus grand des talents, avoir la niaque, être un battant, on restera un moins que rien si on ne saisit pas sa chance lorsqu'elle se présente. Et elle se présente, un jour ou l'autre. Parfois, le destin est clément et il vous laisse plusieurs occasions. Mais le plus souvent, on n'a qu'une balle dans le chargeur. Une cartouche avec toutes les garanties, impossible de rater la cible, même si on tremble sous l'émotion. Le tout est de saisir le flingue. Et de tirer. "

(...)

" ... le Bien et le Mal ne sont toujours qu'une question de point de vue. "

(...)

" Toutes les œuvres de Paul étaient là. De la première, prise au flash quelque part en Bourgogne, à la dernière, obtenue sous la douce lumière de la banlieue lilloise.

38 tableaux, composés de fleurs, de terre ou de pierre.

On distinguait parfois un reste de bâtisse, un bout de sol, un chemin goudronné. Des lieux où la nature était en train de reprendre ses droits. C'était un Paradis en devenir, un lieu paisible. L'être humain n'y était pas représenté. Il n'y avait plus sa place.

Chaque tableau était relié, l'un à l'autre, par un drap de finette de couleur blanche, lui-même parcouru par d'épais fils de laine rouge. Paul avait fait cette présentation en suivant son instinct. L'ensemble était étonnamment harmonieux. "

David Lecomte

David Lecomte

MA NOTE : 4 / 5

-> Un roman fantastique, dopé aux codes "thrilleresques", efficace et prenant !

Ce premier tome est une belle réussite dans son ensemble.

Il pose les jalons de ce qui sera, à n'en pas douter, une œuvre forte, intelligente et divertissante.

Moi qui craignait de passer à côté, car on n'oublie pas que le cadre se déroule à Lille, j'ai finalement été happée par l'intrigue, de même que par l'ambiance générale du livre. C'est très visuel, sonore. On ressent cette folie, ces obsessions qui assaillent tour à tour TOUS les personnages ! On se pose bien évidemment tout un tas de questions, et la fin laisse présager une suite diaboliquement efficace ! On en redemande !

Alors oui, l'écriture reste simple, sans fioritures. Malgré quelques maladresses stylistiques & redondantes, on reste focalisé sur le fond, et non la forme. L'auteur nous emporte dès les premières phrases, si bien qu'on se fiche bien, au final, qu'il y des lourdeurs de syntaxe. C'est efficace. C'est concis. C'est clair. Ça n'est pas tiré par les cheveux, et reste parfaitement plausible. La maîtrise du suspens nous donne envie d'enchaîner les pages, certaines scènes lorgnant même du côté du page turner.

Une belle histoire, aux confins de l'étrange et du bizarre mais en même temps harmonieuse et équilibrée.

Des personnages intéressants, intelligents, avec une profondeur et qui sortent des stéréotypes. De l'humour (le proviseur Grosjean et sa secrétaire sont particulièrement cocasses !), une esquisse sympa de l'éducation nationale (de ces élèves en décrochage, du fonctionnement d'un collège, des rapports entre élèves...). Une célébration de l'art et de la poésie. Du mystérieux (CF la fameuse salle 308). Et puis ces influences, qu'on ressent. On pense à Charlie et Carrie de Stephen King, pour ce qui est du personnage de Jérémy, de même que pour ces passages à la fois tragico-comiques, néanmoins emplis de noirceur et de folie. Effectivement, quand je lis qu'on compare cet auteur à "un mini Stephen King à la française", oui, je suis d'accord. Et le commentaire n'a rien d'insultant et de réducteur (avec le " mini ").

Bon, et puis, comment ne pas être d'accord avec cette métaphore de notre société : rien ne se perd, tout se transforme. Paul n'est-il pas un recycleur ? On peut y voir une critique plutôt acerbe de ce qu'est devenu l'art aujourd'hui. Avant, les grands maîtres de la peinture créaient des prodiges artistiques ! Des compositions complexes, et à l'exécution très réaliste (Boticelli, Rembrandt), et même, plus tardivement, très visuelles (Van Gogh etc...). Comment ne pas faire le rapprochement avec l'art moderne ou conceptuel, dans lequel la démarche de l'artiste semble destinée à n'être comprise que par une élite illuminée ?! Ou ces expositions temporaires nous présentant un gigantesque plug anal comme un sapin de Noël ? La carcasse d'un cheval dépecé comme de l'art ? Un tas d'étrons (même faux) comme une œuvre hautement artistique ? Bref. Les exemples ne manquent pas de défrayer la chronique...

Assurément, David Lecomte est un auteur à suivre, avec un univers singulier.

Je ne vais pas traîner des pattes pour lire la suite de son œuvre de sang ! Ça non !!!

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