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18 Mar

Boréal, de Sonja Delzongle (2018)

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

Boréal, de Sonja Delzongle (2018)

4ème de couverture : 

 

Dans l'enfer glacé du Grand Nord, jusqu'où iront-ils pour survivre ?

 

Janvier 2017, au Groenland. Là, dans le sol gelé, un oeil énorme, globuleux, fixe le ciel. On peut y lire une peur intense. C'est ainsi que huit scientifiques partis en mission de reconnaissance découvrent avec stupeur un boeuf musqué pris dans la glace. Puis un autre, et encore un autre. Autour d'eux, aussi loin que portent leurs lampes frontales, des centaines de cadavres sont prisonniers du permafrost devenu un immense cimetière.

Pour comprendre l'origine de cette hécatombe, le chef de mission fait appel à Luv Svendsen, spécialiste de ces phénomènes. Empêtrée dans une vie privée compliquée, et assez soulagée de pouvoir s'immerger dans le travail, Luv s'envole vers le Groenland. Ils sont maintenant neuf hommes et femmes, isolés dans la nuit polaire.

Le lendemain a lieu la première disparition."

 

De cette plume impitoyable qui a déjà conquis les lecteurs de DustQuand la neige danse et Récidive, Sonja Delzongle signe un thriller terrifiant, m^élant catastrophe écologique et lutte éperdue pour la survie. 

"Un thriller hors du temps. Un thriller inoubliable " 

(Marina Carrère-D'Encausse

Je ne rappellerai jamais assez combien la couverture d'un livre est importante. C'est l'amorce, ce qui va décider la lecture, même si parfois il arrive que la couverture soit bien en dessous du contenu. De Boréal j'ai d'abord succombé à la couverture. Normal. J'ai été soufflé par sa beauté saisissante, par ce qu'elle révélait déjà avant même que je me plonge entre ses pages. Cet ours polaire solitaire sur son morceau de banquise... comment ne pas être touchée au plus profond de son âme quand on est passionnée par l'Hémisphère Nord ? J'ai donc compté les jours jusqu'à la sortie de Boréal et interrompu mes lectures en cours rien que pour lui. C'est le 1er titre de l'auteure que je découvre. La pression est là car de Sonja Delzongle je n'entends que du bien et du dithyrambique. Vais-je être conquise ? 

La réponse est oui. Bouleversée, même. Un curieux sentiment, rarement vécu dans mes lectures, me submerge tout au long de cette aventure : je veux prendre mon temps. Je savoure chaque page, chaque ligne, ressens le besoin de faire des pauses, de souffler. Parce que l'histoire de Boréal c'est un peu l'histoire de l'humanité...

Indépendamment de mon amour inconditionnel de la Scandinavie (le Groenland est danois et ceux qui me connaissent savent que le Danemark et moi... bref) j'aborde ce thriller avec appréhension. Je me souviens de Alien, des scientifiques coincés dans une base isolée. Ici les conditions climatiques sont extrêmement rudes, c'est peu dire (spéciale dédicace à tous les parisiens qui ont subi la neige cet hiver c- rires). Et je ne vous parle même pas des conditions sismologiques que nous, français, ne pouvons même pas imaginer ! Une sortie pour reconnaître les environs, une découverte  aux confins du fantastique : des milliers de boeufs musqués morts emprisonnés sous la glace et tétanisés... Puis le huis clos commence. Il fait nuit, constamment (la nuit polaire dans toute sa splendeur). Le Cabin Fever guette en embuscade, les aurores boréales sont de toute beauté, le groupe s'accroche de toute ses forces à sa cohésion. De l'autre côté nous suivons Luv Svendsen, scientifique spécialiste des phénomènes de morts de masse subites chez les animaux. Coincée dans son fjord norvégien, elle vit recluse avec son bébé, dans l'anonymat car elle a jadis dévoilé des vérités qui dérangent, menaçant de surcroît sa vie. Des flashbacks nous renvoient en 1968 sur le site même de la base Arctica, dans la région de Thulé, sur l'inlandsis, l'un des principaux glaciers du Groenland... à l'aube d'un événement qui va tout changer (et qui va vous faire avoir de grosses suées).

Impossible de lâcher ces pages. Le temps se fige, la respiration se bloque, les yeux s'écarquille... Boréal déploiera progressivement ses brumes glaciales pour ne plus vous lâcher. Abordant des thèmes qui parleront à chacun, c'est un véritable plaidoyer pour la vie, la survie même. A travers la survie élémentaire de l'homme dans un milieu hostile il pose aussi une question primordiale : et nous, que serions-nous prêt à faire pour survivre ? Est-ce que nos illusoires vies confortables et sécurisées incarnent-elles vraiment l'essence même de la vie ? Est-ce qu'on ne passe pas nos vies à se cacher derrière des masques en carton pour de vaines illusions ? Et plus encore, Boréal est un véritable cri du coeur pour la préservation de notre patrimoine, la Terre ! Face à l'implacable vengeance de Mère Nature nous sommes tous égaux, humains, animaux... Difficile de ne pas être submergé par cette culpabilité qui ronge les plus sensibles d'entre nous, cette honte d'être humain lorsqu'on voit chaque jour que tout part en couille et qu'on se rapproche inexorablement du désastre... Sonja ne fait pas dans la dentelle lorsqu'il s'agit de dénoncer la cupidité de nos semblables qui entraînent une longue agonie là-bas (mais pas que). Agonie qui nous impactera bien plus vite qu'on ne le pense. On songe alors à cette vidéo qui a malheureusement récemment fait le buzz sur les réseaux sociaux : un ours polaire famélique agonisant sur la banquise... La faute à qui ? Ben à nous. Boréal pose l'urgence d'inverser le processus au plus vite, de continuer la lutte parce qu'un jour il sera trop tard pour faire machine arrière, et ce jour-là faudra pas dire qu'on ne savait pas, qu'on n'avait pas été prévenus...

Enfin, Boréal a aussi une autre résonance pour moi parce qu'il aborde un thème encore relativement tabou dans notre société : celui de la maternité non désirée, non assumée, non voulue. Oui, parce qu'il existe des femmes qui ne veulent pas devenir mère. Et elles n'ont pas à être stigmatisées par notre société. Chaque être humain devrait être libre de jouir comme il l'entend de son corps et surtout de rejeter la pression sociale, encore bien trop lourde. Ce n'est pas la règle de se reproduire systématiquement, après tout l'humanité est loin d'être en voie d'extinction. Enfin, pas à ce niveau-là...

Pour toutes ces raisons évoquées ci-dessus et pour plein d'autres également, Boréal est un thriller "coup-de-poing" dont je ne suis pas sortie indemne. L'intrigue est intelligente et pertinente, le propos profond et terriblement d'actualité, il pousse à la remise en question. La plume de Sonja est acerbe, froide mais elle déborde d'humanité. Je me suis vraiment attachée aux personnages. La dualité est permanente, chacun a ses raisons, c'est ça aussi être humain, être constamment tiraillé entre l'instinct et la morale. Enfin, les larmes m'ont submergée lorsque l'ultime phrase a été avalée. Une fin en apothéose comme j'en ai rarement lu. La sidération m'a saisie durant de longues minutes lorsque j'ai tenté de mettre des mots sur tout ce que j'avais vécu au cours de ma lecture...

Oui, Boréal est pour l'instant MON coup de coeur de 2018. J'ai comme l'impression qu'il me faudra attendre longtemps avant de revivre une expérience similaire. Et là me revient en mémoire une citation d'un grand monsieur de la littérature, GRR Martin (qui lui aussi, dans un univers de Fantasy très sombre, a su tisser un portrait réaliste de l'humanité et des dérives de notre société) qui a un jour dit que les lecteurs vivaient mille vies alors que quelqu'un qui ne lit pas n'en vivait qu'une seule. Ben moi avec Boréal j'ai fait à ce jour le voyage le plus intense de ma vie. Et tout comme ces personnages, je n'en suis pas revenue indemne. Si seulement ce livre pouvait contaminer ses lecteurs et les alerter de l'urgence... les faire prendre conscience que la vie est notre bien le plus précieux (et la vie c'est aussi la nature qui nous entoure), de la nécessite d'abandonner nos pratiques futiles, égocentriques et matérialistes ! 

Et tout cela nous amène bien évidemment à aborder les conséquences de nos actes qui nous rattrapent inexorablement. Ici, c'est la clé de voûte du roman mais je ne vous en dirai pas plus parce que j'étais à mille lieux de m'imaginer tout cela lorsque j'ai initialement découvert la 4ème de couverture de Boréal. C'est tellement sensé, tellement bien trouvé... ça appelle à d'autres références que je tairai pour ne rien spoiler mais c'est d'une puissance !!! Enfin voilà, la sidération m'habitant toujours je vais donc m'arrêter là. Tout ce que je peux vous conseiller de faire c'est de lire d'urgence ce livre !

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T
Effectivement une couverture c'est très important, c'est le point de départ sur lequel va se construire notre imaginaire au fil de la narration.
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C
Superbe chronique qui me donne envie de découvrir Sonja... enfin, euh... pas découvrir Sonja au sens littéral, hein ! ;-) <br /> Plutôt qu'"Alien", tu fais en fait référence au film de 1982 "The thing" de John Carpenter en fait, non ? :-)
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B
Ah non c'est bien Alien ^^<br /> Boréal est une expérience unique à vivre et lire !
B
Merci !
C
Sonja a vraiment pris de l'ampleur avec ce titre très réussi !<br /> Mais je n'ai jamais douté de son talent et de son énorme potentiel. :-)
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Chers aventuriers égarés, bienvenus dans mon royaume souterrain où le Chaos, les Ténèbres et la Folie sont les seuls maîtres à bord ...