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03 Dec

Les Voix de l'Autremonde, de Benedict Mitchell

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Les Maux

Les Voix de l'Autremonde, de Benedict Mitchell

Ma réponse à un défi littéraire qui consiste, tout simplement, à donner sa propre interprétation du tableau de Munch, Le Cri.

Les Voix de l'Autremonde, de Benedict Mitchell

Incontestablement, mon texte est gorgé d'influences Lovecraftiennes, sans oublier Stephen King... Deux de mes auteurs préférés.

" Ils me hantent... elles me tourmentent... sans cesse. En continu, ne me laissant aucun répit. Je ne sais plus quoi faire pour que ça s'arrête... à moins que, peut-être, le sacrifice ultime ne me libère de cette cacophonie infernale, enfin... "

Les Voix de l'Autremonde, de Benedict Mitchell

" Cela fait une éternité, je crois bien, que mes songes me hantent, et que mes pensées me tourmentent. Inlassablement, en continu. C'est un harcèlement constant, implacable, contre lequel je ne peux plus lutter. Je ne dors plus. Rêves et cauchemars se confondent pour ne former qu'un brouillard oppressant opaque. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, je ne me reconnais plus lorsque j'ose me contempler dans un miroir. Chaque jour qui passe, j'ai comme l'impression d'être aspiré dans un abîme de désolation et de perdition éternelle. Je tressaille lorsque je découvre mon teint blafard, mes traits tirés, vidés de toute substance de vie. J'ai perdu mes cheveux. J'erre, telle une âme en peine, incapable de trouver la paix et la quiétude. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?????

Je ne peux plus rester chez moi, j'ai peur de commettre l'irréparable. Les voix... elles n'arrêtent pas de me murmurer d'horribles paroles, de me hurler de terribles secrets. Elles veulent que je fasse des choses... Alors, la seule solution pour moi, c'est de sortir de chez moi, de m'en éloigner le plus loin possible. J'essaye de trouver un semblant de réconfort en me promenant sur la berge, le long de la plage. L'hiver est là, comme chaque année. Il est toujours ponctuel, comme pour me rappeler que la mort n'est jamais bien loin, prête à tout envahir de ses voiles tentaculaires.

Le vent souffle avec fracas et violence, sur La Promenade. Je frissonne et tremble, je ne me suis vêtu que d'un fin imperméable noir. Mon crâne chauve est comme pris dans un étau glacial. Mais que fais-je là ? Je croise un couple de promeneurs. Lorsque nos regards se croisent, ils s'écartent brusquement comme si j'avais la Peste ? Mon dieu, suis-je si horrible que cela ? En contrebas, l'océan se déchaîne alors que le soleil amorce sa descente vers l'horizon. La tempête approche, les quelques promeneurs se hâtent de quitter la plage, car le sable commence à tournoyer et à s'insinuer partout où il le peut. Mon corps est si douloureux alors que je suis las. Je m'arrête, en plein milieu de la digue. Je ne peux plus avancer, une force invisible me plombe le corps entier, comme si elle ne voulait pas que je regagne ma sinistre demeure. Le vent siffle, hurle à mes oreilles. " Viens avec nous, rejoins-nous, ce monde n'est plus le tiens... tu as commencé à passer de l'autre côté ... ".

- TAISEZ-VOUS !!!! hurle-je à pleins poumons, tout en me bouchant les oreilles.

Je n'en peux plus. Je me frappe la tête avec mes poings gelés. Je pleure, tremblant, suffoquant. La souffrance est trop dure à supporter. " Retourne-toi ! ".

Je ne peux plus leur résister. Je coopère et fais face à l'immense étendue d'eau. Elle me semble si noire, malgré le soleil couchant. Les reflets irisés ont à présent fait place à une masse sombre, gluante et compacte, à travers laquelle je crois distinguer de sombres formes verdâtres. S'agit-il encore d'une nouvelle hallucination ? Les formes, humanoïdes, glissent sur l'eau et se rapprochent à bonne vitesse de la plage, vers moi. Leurs corps décharnés et boursoufflés me glacent d'effroi. Cette fois, mes pieds sont bien rivés au sol. Je suis prisonnier de cette horrible vision ! Leurs interminables bras s'agitent dans tous les sens, telles des tentacules, dans ma direction. Et là, la révélation éclate : les choses venues de l'océan viennent me chercher... " Rejoins-nous... Quitte cette vie de misère... Notre royaume sera le tiens. "

- NOOOOOOOOOOOOON !!!!

Je veux partir, je continue de hurler comme un dément, me bouchant les oreilles, vociférant jusqu'à en faire craquer ma mâchoire, jusqu'à me briser la voix. Ma propre déchéance m'éclate en pleine figure.

C'est alors que le ciel se nimbe de feu. La clarté est telle que je dois fermer les yeux. Mais que se passe-t-il encore ? Serais-je devenu sensible à la lumière solaire, ou s'agit-il d'une énième calamité qui est sur le point de s'abattre sur moi ?

- " Viens avec moi ! ", tonne une voix profonde, comme sortie tout droit de sous la terre.

Mon échine est parcourue d'un terrifiant frisson. Je n'ai encore jamais entendu cette voix. Elle est si différente des autres, si profonde, si impérieuse et autoritaire. J'ai l'impression de ne pas être en pouvoir de lui dire non, car j'ai bien trop peur de ce qu'elle me fera si je la contrarie et ne lui obéis pas. Et comme une sourde capitulation, qui ne lui aura pas échappé, je retrouve le contrôle de mes membres, et reprends ma longue marche... mais vers le large. Lentement, et comme hypnotisé par les flots impérieux qui me fixent de leur noir regard, j'avance vers les escaliers qui terminent la digue, pour rejoindre le sable et la plage. Ils sont si nombreux, ces spectres décharnés... Leur peau est révélatrice d'un long séjour sous l'eau, à moins qu'elle ne soit déjà putréfiée... Mais le pire n'est pas leur aspect physique, c'est bien leurs yeux : globuleux et vides de vie. Des globes noirs, comme le pétrole. Ils se tiennent là, côte à côte, au bord de l'eau, serrés les uns contre les autres, immobiles. Je sens qu'ils me regardent, et surtout, qu'ils attendent quelqu'un, leur maître. Il arrive, je le sens. Un gigantesque rouleau fonce vers nous, à une vitesse inhabituelle pour une vague... bientôt suivi d'un sinistre grondement, d'abord souterrain. Une lointaine clameur s'amplifie, pour bientôt résonner tout autour de moi, et même jusque dans mon cœur. Ma terreur est telle que je suis aspiré, je ne peux plus lutter, et quand bien même j'en aurais encore la force, même infime, continuer ainsi je ne le peux. Je veux juste être libéré de ce fardeau, quitte à capituler et à offrir mon âme à celui qui vient la chercher. Le fou rire n'est pas loin, lorsque je l'imagine sous la forme d'un spectre encapuchonné de noir, avec son emblème fétiche, la faux. Finalement, soit on nous raconte des conneries, soit la Mort a le sens de l'humour et aime se travestir en fonction des peurs de ceux dont elle vient prendre les âmes.

J'ai si peur de l'eau, une peur bleue, que dis-je, une phobie ! Et pourtant, mes pieds avancent tous seuls vers le large. Les autres s'écartent, presque religieusement, la tête baissée dans une attitude de prosternation. Puis tout se calme, le silence envahit l'espace, s'insinue en chaque chose qui peuple ce lieu. La mer, elle-aussi, s'est apaisée. L'instant est solennel, ma tension est à son comble.

- " A genoux, serviteur ! ", ordonne la voix invisible.

J'obtempère immédiatement. La Bête est là, bien qu'elle se refuse, pour l'heure, à se montrer à moi. J'ai si hâte d'être enfin libéré de cet insupportable carcan !

L'instant de la grande révélation est imminent... comme un roulement de tambour, qui roule, gronde, de plus en plus fort, de plus en plus près de moi... Les créatures, bien que toujours prostrées dans une posture d'attente, trépignent d'impatience. Le vent tournoie, le sable virevolte joyeusement, les nuages se bousculent, mélangeant les teintes orangées du coucher de soleil aux teintes plus sombres du crépuscule. Ça y est, nous y sommes : quelque chose avance sous l'eau, vers la plage. Une masse énorme, qui fait s'envoler des trombes d'eau tout autour d'elle... Elle est colossale, sa puissance manifeste ne fait plus aucun doute dans mon esprit. Oui, il est bel et bien mon maître. Et il le sera à jamais.... " N'est pas mort, ce qui à jamais dort... "


Le tonnerre gronde, assourdissant et dévastateur. Mon crâne se fissure de part en part, comme si la terre venait de s'ouvrir et de m'engloutir dans ses abîmes fumants. Je sombre dans un puits sans fond, dénué de chaleur, de couleur, d'odeur. Juste le néant.


Lorsque je rouvre les yeux, et que mon regard se fixe sur mon bureau en désordre, jonché de papiers, de livres, de feuilles volantes, mon écran d'ordinateur allumé sur la page immaculée du logiciel de traitement de textes, tout s'éclaire alors dans mon esprit embrumé. Et c'est la grande révélation : mon angoisse de la page blanche, que je n'espérais plus vaincre, vient enfin d'être résolue... Ces voix, celles que j'ai imaginé, entendu dans ce rêve cauchemardesque, n'étaient en réalité que celle de ma Muse, l'inspiration - déesse inaccessible et espiègle qui aime à se jouer des pauvres artistes torturés que nous sommes et font de nous ses marionnettes. Sans elle, autant dire que nous ne sommes pas grand chose...

Je souris, l'inspiration circule dans mes veines, fluide et légère, un regain de confiance que je n'avais plus ressenti depuis bien longtemps. Puis c'est le désir, l'envie - telle une drogue dont on ne peut pas se passer - l'excitation, la montée d'adrénaline, les idées qui se bousculent dans l'esprit, fusent et qui ne demandent qu'à prendre vie sur le papier, ou sur l'écran, afin de laisser au monde une infime trace de notre passage sur terre, et de donner aux autres, à ceux qui seront réceptifs, un cadeau très précieux : le rêve. Et là, je ne peux m'empêcher de relâcher toute la tension de ces dernières semaines, au comble de la délivrance : un cri retentit. Puissant, libérateur, salvateur : un cri de joie, rageur mais heureux ! "

© Benedict Mitchell

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Chers aventuriers égarés, bienvenus dans mon royaume souterrain où le Chaos, les Ténèbres et la Folie sont les seuls maîtres à bord ...