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25 Jan

" Le Sixième Sommeil " de Bernard Werber (2015)

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

" Le Sixième Sommeil " de Bernard Werber (2015)

Passé le stade de la découverte enthousiaste avec le sublime " Les Thanatonautes " (1994) c'est confiante que je me lance dans la lecture de ce second roman de Bernard Werber (pour moi), qui est donc sa toute dernière parution.

Est-ce un mauvais enchaînement de ma part ou une blague du destin ? Je l'ignore. Mais Le Sixième Sommeil et Les Thanatonautes (bien que 22 ans les séparent) se ressemblent beaucoup sur certains points. Oui certains, seulement, parce que même si c'est l'ouvrage de comparaison (à cause de la dimension des pionniers scientifiques qui tentent de découvrir quelque chose d'inconnu pour l'heure), les deux livres sont bien différents malgré tout.

Alors que dans Les Thanatonautes Bernard Werber nous emmenait dans une incroyable épopée onirique, aux frontières de la mort (et même au-delà) avec le Continent Ultime ( ce qu'il conviendrait de nommer " paradis ") et sa géographie, les " êtres " qui le peuplent, ses nombreuses caractéristiques incroyables, ici l'auteur nous emmène au plus profond de nos rêves. Une " science ", une discipline, un domaine méconnus dans nos civilisations modernes où le stress, la pollution, le travail nous empêchent même de rêver et donc d'aller bien. Les problèmes liés au manque de sommeil (ou à sa mauvaise qualité) est bel et bien le plus grand fléau de notre époque, il faut croire. Parce que oui, le rêve est vital pour nous. Et nous sommes beaucoup à l'oublier, et à le négliger.

Alors, de quoi ça parle concrètement ce Sixième Sommeil ?

" PHASE 1

Assoupissement.

PHASE 2

Sommeil léger.

PHASE 3

Sommeil lent.

PHASE 4

Sommeil très profond.

PHASE 5

Sommeil paradoxal.

PHASE 6

Le sixième sommeil.

Celui de tous les possibles.

Imaginez que vous puissiez revenir vingt ans en arrière et retrouver, en rêve, la personne que vous avez été plus jeune.

Imaginez que vous ayez la possibilité de lui parler.

Que lui diriez-vous ? "

" Le Sixième Sommeil " de Bernard Werber (2015)

-> Tout commence par un rêve...

Oui, et c'est le rêve de Caroline Klein, éminente neurophysiologiste française qui consacre sa vie a étudier le rêve, comme une science. Et puis aussi parce qu'elle traîne un terrible secret, dont les crises de somnambulisme (de plus en plus flippantes) pourraient bien en être la manifestation inconsciente. Ce qui la pousse donc à travailler sur son" projet secret "... aller plus loin que le dernier stade du sommeil connu à ce jour, la phase 5 - le sommeil paradoxal, celui où nous rêvons et que de moins en moins de personnes sont capables de vivre pleinement, et pire encore de se rappeler.

Caroline a eu avec son époux, célèbre navigateur, un fils, Jacques. C'est ce dernier qui va se retrouver au centre du roman. Passée l'introduction de la mère & de son fils, de leur cadre de vie et la place de la " science onirique " dans la vie de la famille Klein, on opère un long flash-black où l'on en apprend beaucoup sur l'enfance de Jacques et les enseignements de sa mère. De nombreux détails y seront égrainés pour aider à la compréhension de la suite. Oui, parce qu'on apprend très vite qu'après un terrible évènement - expliqué au fur et à mesure, Caroline Klein a disparu du jour au lendemain sans laisser la moindre trace. Passé l'épisode du flash-back, Jacques, esseulé, commence une longue descente vers son destin... pour finir par faire un étrange rêve où il rencontre celui qu'il sera dans vingt ans. Mais comment croire en la réalité des rêves quand la seule personne qui aurait pu accréditer ou non cette hypothèse, celle qui vous a tout appris, n'est plus là ? Poussé par l'envie de retrouver sa mère, Jacques part au bout du monde, en Malaisie, interroger la seule tribu au monde capable de lui en apprendre plus sur le rêve : les Senoïs, le Peuple du Rêve.

Ce voyage changera à jamais sa vie et son rapport au rêve, étroitement lié au projet secret de sa mère.

Dans le Sixième Sommeil tout commence par un rêve : chaque peur, chaque période pénible de sa vie, une sexualité épanouie et presque " mystique ", tout cela commence par un rêve. Le rêve lucide, mais aussi le rêve éclairé. Le rêve étant la manifestation de l'inconscient, il permet, quand il est maîtrisé, d'influer sur l'inconscient et le conscient. Mais pour cela, il faut y croire, déjà, et tout faire pour y parvenir, au terme d'un long apprentissage qui peut changer une vie.

-> Une science onirique : aux confins du monde réel connu...

Le bleu Klein, du nom de son " inventeur ", lié à la famille Klein

Le bleu Klein, du nom de son " inventeur ", lié à la famille Klein

Le bleu Klein ou la représentation de cet océan qu'il faut descendre, palier par palier, afin de franchir tous les stades du sommeil menant au sommeil paradoxal, et même à ce qu'il y aurait au-delà...

Le rêve est ici présenté comme une science. Mais à travers le prisme de la culture onirique des Senoïs (qui placent le rêve au centre de tout dans leur société), on le voit évoluer. Très vite, l'enjeu pour la famille Klein équivaut à devenir les pionniers du rêve : découvrir en quelques sortes le Somnus Incognita, transcender la frontière entre le rêve & la vie et la mort. Car une fois encore tout est lié.

D'où le clin d'œil aux Thanatonautes où il était aussi question de pionniers, d'odyssée avec un risque de mort très élevé, de dangerosité, car au-delà de ce qui est connu peut se cacher de terribles dangers dissimulés dans les ténèbres inconnues... Là où les Thanatonautes restait plus ou moins crédible (car on avait envie d'y croire étant donné les très nombres allusions aux religions, aux cultes du monde entier et ce depuis l'antiquité), ici on bascule dans la science-fiction pure et dure.

Pourtant, les Senoïs ont véritablement existé, leur enseignement de la pratique du rêve se trouve aujourd'hui dans une multitude d'ouvrages consacrés aux rêves. L'auteur est parti d'un fait sociologique avéré pour l'ouvrir sur le surréalisme.

Le côté scientifique prime sur le côté sensoriel, imaginaire, si bien que la dernière partie du livre, bien que très palpitante car on sent qu'on approche d'une révélation sensationnelle, m'a fait un peu retomber comme un soufflet. Jusque-là oui, tout semblait plausible puis, lorsque l'auteur explique le pourquoi du comment dans les dernières pages, je suis restée mitigée. D'abord soulagée que ça ne finisse pas comme les Thanatonautes mais en même temps déçue que l'explication soit plus scientifique que mystique/fantastique même si l'explication scientifique, en définitive, reste très abstraite et surréaliste.

Alors que les Thanatonautes se poursuit avec L'Empire des Anges, ici je reste dubitative quant à cette fin que j'ai dû relire plusieurs fois avant de finalement rester sur ma faim... parce que honnêtement je m'attendais à autre chose, j'espérais autre chose et là, je me demande s'il y aura une suite (bien que j'en doute). Tout se termine très (et trop) vite...

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas suffisamment de recul concernant l'œuvre de Werber pour confirmer les nombreux avis de lecteurs déçus. Une chose est sûre, c'est un très bon livre qui m'a fait passer un très bon moment. J'ai compris également ce qui faisait le succès du style de Werber. Et j'ai limite préféré ces personnages-ci, bien plus crédibles que ceux des Thanatonautes qui chatouillaient quelque peu la parodie & même la caricature. Certains reprochent la froideur des personnages, je les trouve au contraire réalistes et ancrés dans notre temps. Que certains aient pu être choqué quant à la facilité d'adaptation des Senoïs découvrant notre société moderne, bah j'ai envie de dire que ce ne sont pas n'importe qui. Ils ont une toute autre perception de ce qui nous entoure, et ont déjà été initié en amont, il ne faut pas l'oublier.

Et puis l'auteur opère aussi à plusieurs reprises de gros bonds en avant dans la chronologie des évènements. On devine qu'ils ont quand même eu le temps de se familiariser avec une européenne, puis avec internet, puis avec la vie parisienne sur une vingtaine d'années.

La bouteille de Klein, relique du passé de la famille Klein mais aussi son avenir...

La bouteille de Klein, relique du passé de la famille Klein mais aussi son avenir...

Même si la révélation du sixième sommeil peut laisser un petit goût d'inachevé, ou de déception, il n'en reste pas moins qu'une fois encore Bernard Werber a réussi un formidable travail de documentation et d'assemblages sur le rêve. C'est une question d'actualité, à n'en pas douter. Peut-être que si nous dormions mieux, le monde tournerait mieux ? Il n'y a qu'à voir les nombreuses dérives, une fois encore, que l'auteur dénonce ici : les troubles du sommeil (de plus en plus répandus), la consommation de poisons qui nuisent à notre santé (les somnifères).

En liant le rêve comme science, le rêve comme art, le rêve comme mode de vie, Werber nous livre un "livre-médicament" qui nous donne l'envie de nous renseigner à notre tour, à nous interroger sur notre bonne santé onirique. Les pages qui clotûrent le livre nous l'attestent : l'auteur nous invite à consigner dans le livre nos propres rêves. Et ayant déjà lu des ouvrages (avant de découvrir ce roman) sur le rapport des Senoïs aux rêves, j'ai vraiment aimé retrouver les souvenirs de lectures que j'en avais gardé : par exemple, se conditionner avant de s'endormir et demander à son inconscient de nous permettre de nous souvenir de nos rêves à notre réveil ou alors de nous faire rêver la solution à un problème qui nous gangrène le quotidien. Beaucoup de bon sens dans Le Sixième Sommeil, et toujours cette ode à la vie, au respect de la nature et de notre nature à nous humains, car tout est lié une fois encore.

J'ai l'impression (et l'avenir me le confirmera lorsque j'aurais lu d'autres ouvrages de Bernard Werber) que ses romans sont comme des S.O.S. lancés dans l'océan de l'ignorance que nous constituons, il faut bien le dire. En nous proposant des romans de science/philosophie - fiction, même surréalistes mais s'appuyant bel et bien sur des recherches concrètes, il nous pousse à nous dépasser, à nous informer, à nous cultiver, nous documenter, expérimenter, nous remettre en question. Parce que oui, Werber a compris que l'heure était grave, que les signaux d'alarmes émettaient depuis un moment déjà et que le monde reste cependant globalement sourd. Et si via la littérature, un auteur permet d'aider ses lecteurs " ignorants " à se remettre en question, à participer et propager ce réveil collectif nécessaire pour la survie de l'humanité, ne peut-on pas dire que cet auteur a tout du génie ? D'un visionnaire, même ? Car qui sait, peut-être qu'un jour, la science permettra de fusionner avec la religion, ou que toutes deux pourront faire partie de la même réponse à la grande équation : savoir ce qui se cache derrière la mort ?

Parce qu'une fois encore, ici rêve et mort sont très proches, comme en atteste cette bribe d'explication très simple (et se rattachant à la mythologie grecque) :

" Le Sixième Sommeil " de Bernard Werber (2015)

-> EXTRAITS :

" ... Nous passons un tiers de notre vie à dormir. Un tiers. Et un douzième à rêver. Pourtant, la plupart des gens s'en désintéressent. Le temps de sommeil n'est perçu que comme un temps de récupération. Les rêves sont presque systématiquement oubliés dès le réveil. Pour moi, ce qu'il se passe toutes les nuits sous les draps de chacun, dans la tiédeur moite de notre lit, est de l'ordre du mystère. Le monde du sommeil est le nouveau continent à explorer, un monde parallèle rempli de trésors qui méritent d'être exhumés et exploités. Un jour à l'école, on enseignera aux enfants à bien dormir. Un jour, à l'université, on apprendra aux étudiants à rêver. Un jour, les songes deviendront des œuvres d'art visibles par tous sur grand écran. Dès lors ce tiers de vie qu'on considérait à tort comme inutile sera enfin rentabilisé pour décupler toutes nos possibilités physiques et psychiques. Et, si j'arrive à le réaliser, mon " projet secret " devrait ouvrir une voie encore plus extraordinaire dans le monde du sommeil, une voie qui pourrait vraiment tout changer. "

(...)

" La plupart des gens souffrent durant la nuit, ils dorment sur de mauvais matelas, ils ont des apnées du sommeil et des insomnies, ils sont toujours fatigués, ils se lèvent avec des courbatures. Selon les dernières études, soixante pour cent reconnaissent mal dormir. Quarante pour cent consomment régulièrement des somnifères. Vingt pour cent ont des problèmes chroniques de sommeil. Cela provoque des troubles du système immunitaire, des maladies cardiovasculaires, des tendances suicidaires, et cela favorise aussi l'obésité. Des couples divorcent parce qu'il y en a un qui ronfle ou a le sommeil agité. Combien de drames, accidents de voiture, échecs scolaires ou professionnels sont dus, simplement, à... de mauvaises nuits. "

(...)

" Il n'y a que dans le sommeil qu'on est libre. Il n'y a que dans le sommeil que tout est possible. "

(...)

" "Le monde des livres est le plus grand de tous les mondes que l'homme n'a pas reçus de la nature mais tirés de son propre esprit", disait un écrivain nommé Hermann Hesse. Et j'ajouterai : le monde des livres nourrit le monde des rêves qui est encore plus vaste.

(...) Romans, poésie, peinture et musique sont les meilleurs ingrédients pour que tu te fasses ta propre cuisine onirique. (...) Ce sont des produits " frais ". En revanche, ne regarde pas la télévision. Ça c'est du fast-food qui donne des rêves " prémâchés " aux goûts artificiellement saturés et qui ne font pas travailler ta créativité naturelle ni ton sens esthétique, seulement tes émotions basiques. Que cela soit un principe global : dans tes rêves, crée tes propres films, ne reproduis pas ceux des autres. "

(...)

Après avoir pris un somnifère :

" La première sensation est désagréable, comme s'il avait trop bu la veille. Il a une barre dure sur le front, les oreilles chaudes. Son cuir chevelu est tendu. Sa peau tiraille. L'hypnogramme de son smartphone indique qu'il a fait une plongée en stade 2 puis qu'il y est resté sans remonter. Du coup, il se sent fatigué. Il a dormi sans récupérer, il est juste devenu mou.

Si la France est le premier pays consommateur de cette substance, Jacques se dit qu'il doit effectivement y avoir un souci global dans cette société qui " s'endort " artificiellement, sans récupérer d'un vrai repos profond et naturel. Il cherche sur Internet et découvre qu'on utilise les benzodiazépines non seulement comme somnifère courant, mais aussi comme calmant pour les gens stressés ou dépressifs, et qu'ils servent même à calmer les animaux dans les abattoirs afin qu'ils ne paniquent pas au moment où on les tue.

(Manger de la viande c'est devenir addict aux somnifères dont on a gavé les bestiaux pour les rendre amorphes et donc plus faciles à manipuler et à égorger. C'est toute la société qui est ainsi empoisonnée par ce produit insidieux, et cela semble aller en empirant.)

Jacques préfère ne pas dormir que se retrouver avec cette sensation désagréable au réveil. "

(...)

" - Tu as peur des femmes ?

- Bien sûr. Tout homme intelligent a peur des femmes.

- Nous sommes pourtant simples à comprendre. Je vais tout te résumer en quelques étapes clefs. Les femmes... à 20 ans, elles sont un peu paumées, elle courent partout, elles papillonnent, font des expériences, comprennent tout très vite, et maîtrisent la psychologie et les émotions. Ce sont toutes des princesses. A 30 ans, elles veulent avoir des enfants, donc elles cherchent à se fixer avec le bon géniteur, de préférence beau, riche et plein d'humour (souvent dans cet ordre). A 40 ans, elles ont eu des enfants, mais elles se demandent si elles ne se sont pas trompées de partenaire de vie (car il ronfle, il pète, il couche avec sa secrétaire). A 50 ans, elles en sont sûres et se demandent même si elles n'ont pas carrément raté toute leur vie. A 60 ans, elles concluent qu'elles ont fait les mauvais choix mais qu'il est trop tard, alors elles se résignent et mangent des gâteaux, grossissent tout en se défoulant sur leurs enfants et leur compagnon de vie (qui du coup se voûte et rentre imperceptiblement la tête dans les épaules).

Jacques Klein sourit.

- Et toi ?

- Certaines femmes ne sont pas faites pour être apprivoisées, elles aiment être libres et recherchent simplement des hommes libres pour être à leurs côté un certain laps de temps sans faire aucun projet d'avenir. "

(...)

" ... Aucun animal, aucun insecte, aucune plante, aucun être vivant doté d'un minimum d'intelligence ou de conscience ne peut supporter un contact permanent avec la réalité. Cela peut rendre fou. (...) Le réel à forte dose est intolérable. "

(...)

" - Prends soin de ton corps pour que ton âme ait envie de venir s'y nicher, ainsi elle en aura toujours la nostalgie quand elle partira vagabonder ailleurs. "

(...)

" Celui qui n'a pas voulu quand il le pouvait... ne pourra pas quand il le voudra. "

(...)

" Nous sommes tous plus ou moins aveugles. Certains le savent, d'autres ont la prétention de ne pas l'être. Mais tout n'est qu'interprétation de ce que nos sens nous envoient comme signaux plus ou moins déformés. Il n'y a que dans les rêves qu'il y a une totale adéquation entre ce qui est et ce qu'on perçoit. Mes rêves sont plus beaux que ceux des voyants, précisément parce qu'ils ne sont pas influencés par le réel. Ce sont de pures subjectivités assumées. Tout ce monde qui m'entoure, je le réinvente en permanence. "

(...)

" ... Puisque les actualités nous envoient en permanence un signal de danger, à force, nous sommes toujours sous tension, comme si nous étions agressés. Et notre cortex préfrontal reste en veille. (...) En France et dans le monde. Les gens ont une meilleure santé, une meilleure hygiène, une meilleure éducation, une meilleure qualité de vie. Nous avons plus de liberté, plus de loisirs, plus de moyens de communiquer, nous exprimer, partager nos expériences. Nous vivons mieux que nos parents, bien mieux que nos grands-parents, cent fois mieux que l'homme du Moyen Âge, de l'Antiquité ou de la Préhistoire.

(...) Rappelons-nous que, dans le passé, les humains n'avaient ni eau courante, ni réfrigérateur, ni anesthésiant pour les opérations chirurgicales...

(...) Malgré les actualités qui nous tiennent en permanence en état de stress, il y a de moins en moins de guerres, de moins en moins de violence. Le niveau de vie planétaire moyen a augmenté. Chaque année de nouvelles maladies ou épidémies sont endiguées. En France, l'espérance de vie est passée de 50 ans en 1900 à 80 ans de nos jours. La prise de conscience des risques liés à la pollution a entraîné un effort pour développer les énergies vertes et aller vers davantage de produits recyclables. Il y a de moins en moins de dictatures et de plus en plus de démocraties. La presse et de plus en plus libre. Objectivement, tout va de mieux en mieux, mais le monde a l'impression du contraire parce que beaucoup d'énergie est déployée pour nous maintenir dans la peur.

(...) Quand les gens ont peur, ils consomment plus et accordent plus de pouvoir aux politiciens. Vouloir comprendre l'humanité en observant les actualités télévisées ce serait comme vouloir découvrir Paris... en visitant uniquement un service d'urgences hospitalières. Là, on ne verrait que des blessés et des malades et on se dirait : ils vivent dans une ville dangereuse et violente."

(...)

" ... Il y a cinq sens physiques et cinq sens psychiques. Les cinq sens physiques sont la vue, l'odorat, l'ouïe, le toucher, le goût. Les cinq sens psychiques sont l'émotion, l'intuition, l'imagination, l'inspiration, la conscience universelle. "

Un chasseur Senoï avec la longue sarbacane (atypique)

Un chasseur Senoï avec la longue sarbacane (atypique)

MA NOTE : 4,5 / 5

Après l'épopée des thanatonautes (les explorateurs de la mort), voici venu les temps des onironautes (les explorateurs du rêve) !

Une nouvelle odyssée pas très éloignée de la mort mais tout de même bien différente de l'autre roman (Les Thanatonautes) avec lequel Le Sixième Sommeil semble posséder un fil rouge.

On retrouve avec délectation le style si caractéristique de Bernard Werber : une explication à sa sauce de la science et de certains cultes, une bonne dose d'humour noir, beaucoup d'abstrait, un plaidoyer pour le respect du vivant. Ici la science reçoit un bon coup de projecteur, avec des interrogations qui lui sont propres comme les expérimentations animales, la vivisection, et les expériences qui ont toujours précédées les plus grandes découvertes, de même que la nécessaire expérimentation humaine.

Werber place également au centre de son intrigue une tribu primitive malaisienne (aujourd'hui disparue), les Senoï, dans ce qui est un vibrant hommage au Peuple du Rêve, dont la conception du rêve a beaucoup contribué aux " sciences naturelles " et New Age. En somme, l'enseignement des Senoïs mériterait d'être davantage enseigné et pratiqué tant on peut sentir, à travers l'intrigue, qu'il pourrait nous aider à aller mieux, tout simplement, car il est évident que le monde va mal, malgré cette évidente impression qu'au contraire, nous ne cessons de nous développer.

Le Sixième Sommeil constitue donc dans la la carrière de l'auteur un nouveau S.O.S. lancé au monde. Chacun est libre d'en tirer les enseignements qui ne mériteront pas de s'imposer, il n'en reste pas moins une magnifique ode à rêver, malgré un parti pris résolument " science-fiction " dans la dernière partie de l'histoire.

Ainsi, un ouvrage qui pose beaucoup de questions sur les sciences, sur les risques liés aux grandes découvertes (comme dans Les Thanatonautes), sur la préservation des territoires vierges, les dérives du tourisme, la corruption qui est liée à ce secteur économique. Et qui pose beaucoup de questions surà notre rapport à nous-mêmes, via le rêve.

Le Sixième Sommeil, enfin, se révèle être le parfait manuel du rêveur occidental, dans lequel la science, les cultes primitifs et l'art, se retrouvent étroitement liés.

Tout comme le héros, Jacques Klein, vous suivrez un véritable processus initiatique afin de devenir un parfait rêveur (ou onironaute), et ce en 3 actes :

1. L'Apprenti dormeur

2. Le Compagnon rêveur

3. Le Maître rêveur

-> Une mention spéciale, pour la présence de deux personnages, le détective privé Franck Thilliez (qui ne fait hélas qu'une fugace apparition), ainsi que le Docteur Eric Giacometti (dans un rôle plus important), en hommage comique à deux grands romanciers français. Hé oui, encore et toujours, un peu d'humour (noir) dans ce monde de brutes !

En résumé, c'est un livre que j'ai adoré lire, mais dont la fin m'a un peu laissé sur ma faim... Le livre est dans sa grande partie plutôt réaliste avant un net penchant (et violent même) pour la science-fiction dans ce qu'elle a de plus improbable. C'est aussi lors de ce passage explicatif (précédant l'épilogue) que certains seront sans doute largués par les explications scientifiques très poussées et très abstraites. Il fallait quand même y penser : poser le rêve comme porte & point de passage entre le temps & l'espace ! Mais le fait que cela soit trop abstrait aura eu raison des énormes attentes que j'avais développé à la lecture de ce roman. Et la fin n'arrange rien...

J'en retiendrai tout de même que ce livre est très lourd de significations, de magnifiques plaidoyers (les dauphins & l'océan - dont je n'ai pas parlé - la déforestation etc...), et surtout, et principalement, il est une invitation à s'adonner sans complexe au rêve. C'est même un livre pédagogique, en même temps qu'une fiction très sympathique, qu'on n'oubliera pas de si tôt. Après l'avoir fermé, je ne verrai plus jamais mes rêves du même œil, et je vous invite donc à tenter l'expérience à votre tour (si ce n'est déjà fait). On ressort de la lecture du Sixième Sommeil, grandi, éveillé et plus intelligent. Oui, indéniablement !

Et comme le dit si bien Bernard Werber dans la toute dernière phrase de la postface :

" Bonne nuit, dormez bien et faites de beaux rêves. "

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