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23 Jun

Les Lames du Cardinal, Pierre Pevel, 2007

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

Les Lames du Cardinal, Pierre Pevel, 2007

Quand le roman de cape & d'épée historique rencontre la fantasy, qu'est-ce que ça peut donc bien donner ? Le premier tome d'une trilogie absolument formidable et addictif !! Et ô combien originale !!!

Avec Les Lames du Cardinal c'était le second roman de ce très grand auteur français, Pierre Pevel, que je dévorais littéralement (après le très réussi Les Enchantements d'Ambremer, 1er tome du Paris des Merveilles dont vous pourrez trouver ici-bas bientôt une chronique plus détaillée).

J'en avais entendu le plus grand bien, je savais qu'il était considéré comme l'une des oeuvres fondatrices de la fantasy française, je savais que je risquais fort de ne pas être déçue.

La 4ème de couv' semblait pleine de belles promesses ....

" 1634, sous le règne de Louis XIII, le Cardinal de Richelieu veille à la bonne marche du royaume de France, de plus en plus menacé par l'Espagne et ses nouveaux alliés : les dragons.

Or, à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels : le Cardinal se voit contraint de faire appel à une compagnie qu'il avait lui-même dissoute. Sous le commandement du Capitaine La Fargue, les bretteurs les plus vaillants et les plus intrépides que possède le royaume sont ainsi réunis pour former à nouveau les redoutables Lames du Cardinal. "

Dès les premières pages on peut être dérouté car on a vraiment l'impression de se retrouver dans un roman d'Alexandre Dumas (dont l'auteur est je le rappelle si besoin est un très grand fan), passé le prologue j'entends. Le contexte historique est fidèlement restitué, l'écriture elle-même très riche et structurée nous rappelle ces grands classiques contemporains de l'histoire. Les personnages sont nombreux, les intrigues multiples et j'avoue qu'au début je me suis sentie perdue car s'il n'y avait pas les dracs, les dragonnets, les wyernes, les sang-mêlés et les dragons je n'aurais eu l'impression d'être vraiment dans une oeuvre de fantasy.

La magnifique couverture d'Hervé Leblan nous présentant le Cardinal de Richelieu et son fidèle ami dragonnet, Petit-Ami

La magnifique couverture d'Hervé Leblan nous présentant le Cardinal de Richelieu et son fidèle ami dragonnet, Petit-Ami

Le génie de Pierre Pevel à travers ses oeuvres c'est justement d'allier récits historiques et fantastiques (CF les trilogies du Paris des Merveilles et du Cycle de Wielstadt), créant par là-même un nouveau sous-genre de la fantasy moderne.

Et contrairement à ce que je craignais avant de plonger dans Les Lames du Cardinal, nous ne sommes pas du tout dans un avatar des Trois Mousquetaires.

Sans trop en dévoiler nous suivrons d'abord séparément, quelques-unes de ces fines lames que sont les Lames du Cardinal, jusqu'à leur réunion. Et elles ne sont pas 4 mais plus ...

Et j'insiste sur le " elle " car une jeune femme se trouve parmi elle, la délicieuse Baronne Agnès de Vaudreuil, un élément moderne du genre " cape & d'épée " où la place de la femme restait assez misogyne dans les rôles assez réducteurs de la princesse à sauver ou de la vilaine traîtresse.

Agnès de Verneuil, une femme qui a des " couilles " ...

Agnès de Verneuil, une femme qui a des " couilles " ...

Mais c'est sans compter l'autre tableau féminin, et pas des moindres, la sombre Vicomtesse de Malicorne, vile traîtresse donc aux pouvoirs ancestraux très noirs ... et très dangereux accessoirement ....

Les Lames du Cardinal nous montre une galerie de personnages attachants, marqués, éprouvés par la vie, chacun est différent mais tous forment une fraternité sans pareille, telle une bande de super-héros comme les Avengers mais à l'époque de Louis XIII et avec des rapières, des dagues et une maîtrise de la joute sans égale.

N'oublions pas l'énigmatique personnages de Saint-Lucq, le sang-mêlé, véritable transfuge du steampunk !!

Saint-Lucq, un tueur redoutable d'efficacité !! (et diablement ténébreux ... )

Saint-Lucq, un tueur redoutable d'efficacité !! (et diablement ténébreux ... )

< EXTRAIT >

" Creusée dans le sol au coeur d'un immense pentacle gravé à même les dalles nues et froides, la cuve occupait le centre de la crypte, sous une voûte soutenue par des colonnes massives. Complexes mais harmonieuses, les lignes du pentacle s'entrecroisaient pour dessiner une étoile à douze branches enrichie de runes draconiques que la plupart des sorciers ne savaient ou n'osaient prononcer. Il émanait d'elles une puissance maléfique qui alourdissait l'atmosphère, cependant que de hauts cierges régulièrement disposés brûlaient. Des cierges noirs. Et dont les flammes, rougeoyantes dans l'obscurité, étaient du même incarnat que le sang fumant qui emplissait la cuve.

Une vieille femme s'approcha du pentacle. Ses longs cheveux blonds ternis de gris, elle laissa tomber à ses pieds le voile qui la couvrait et resta nue, offrant la peau blême et les chairs molles de son corps fané à la lueur érubescente des cierges. Puis elle descendit dans la cuve pour s'abandonner langoureusement à la chaleur poisseuse d'un sang qui, jamais, ne tiédirait. Paupières closes, tête rejetée en arrière et bras écartés sur le rebord de pierre, elle goûta un moment de délice et de grand repos. Enfin, après un soupir satisfait, elle se laissa lentement couler dans son bain, jusqu'à disparaître.

Quelques secondes s'écoulèrent avant que le pentacle réagisse. Soudain, les flammes écarlates des cierges doublèrent de taille tandis que les runes et les lignes gravées dans la pierre luisaient telles des braises. La surface du bain de sang se mit à frémir, à bouillonner bientôt. Des bulles naissaient et crevaient. Les cierges dévorés fondaient à vue d'oeil. Dans le même temps, la lumière émise par le pentacle se faisait toujours plus vive. Mais elle ne se dispersait pas. Elle était un jaillissement continu, précis et vermillon qui découpait l'obscurité à la verticale selon le savant tracé du pentacle et le dessin torturé des symboles draconiques.

Il y eut alors une explosion aveuglante et silencieuse, et tout prit fin.

Lorsque l'on put de nouveau y voir dans la crypte, le pentacle était retourné à sa froideur minérale, la cuve montrait une surface lisse et miroitante, et les cierges réduits à l'état d'amas misérables donnaient des flammes grésillantes.

Celle qui émergea debout était désormais une très jeune femme au minois délicieux, au teint éclatant de blancheur, à la blondeur juvénile, au corps lisse, à la taille mince, aux fermes rondeurs. Le sang glissant sur elle comme sur une toile huilée pour la rendre à une beauté immaculée, elle quitta son bain et, d'un battement de paupières, elle déguisa les yeux reptiliens que le rituel avait révélés. Ce faisant, elle acheva de se muer en l'adorable vicomtesse de Malicorne, dont les charmes espiègles enchantaient la Cour et la vivacité d'esprit plaisait tant à la reine.

Loin du monde, elle ne s'obligea pas à sourire. Et alors qu'elle marchait hors du pentacle et allait vers l'escalier dérobé menant à ses appartements, on pouvait encore lire dans son regard une sagesse ancienne et cruelle qui trahissait non seulement son âge mais sa race, car le sang de dragon qui lui avait rendu la jeunesse coulait également dans ses veines. " (Prologue)

La vicomtesse de Malicorne

La vicomtesse de Malicorne

Ma note : 5/5

Une vraie petite pépite de la fantasy française. Pas étonnant que la trilogie des Lames du Cardinal se soit exportée et si bien vendue bien au delà de nos frontières !

Entre roman historique de cape et d'épée, contexte fantastique, intrigues et multiples rebondissements, le lecteur est tenu en haleine du début à la fin. L'écriture virevolte aussi bien que les lames, fine(s), précise(s), élégante(s), maîtrisée(s). Les multiples tableaux sont restitués à merveille si bien qu'on entre vraiment facilement dans cet univers original. Et que dire du cliffhanger final qui donne vraiment envie d'enchaîner sur le tome 2, L'Alchimiste des Ombres, car à la fin de ce premier tome beaucoup de questions subsistent : d'où viennent les Dragons et leur infâme magie ? L'ordre de la Griffe Noire n'a certainement pas dit son dernier mot, et le Capitaine La Fargue est loin d'avoir révélé tous ses secrets ...

Non vraiment, je conseille fortement ce livre, vous ne serez pas déçu du voyage ! Il possède tous les ingrédients nécessaires pour faire de lui un livre incontournable , et cela que vous recherchiez de la reconstitution historique ou une trame plus fantastique, sans oublier les intrigues et autres complots royaux ... (mais pas que !)

Quelques unes des Lames du Cardinal ... Le Marquis de Marciac (à gauche), le Capitaine La Fargue (au centre) et une fois encore le Comte de Saint-Lucq (à droite)

Quelques unes des Lames du Cardinal ... Le Marquis de Marciac (à gauche), le Capitaine La Fargue (au centre) et une fois encore le Comte de Saint-Lucq (à droite)

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