INTERVIEW N°2 : Bertrand Binois, tricoteur de couvertures & tisseur de mots...
Au cœur des Lymbes, nous aimons beaucoup recevoir la visite d'artistes atypiques. Alors, quand en plus ils s'expriment sur de multiples supports, on applaudit encore plus fort.
Après l'exposition consacrée à son œuvre lors de la seconde édition du Salon des Mines Noires de Nœux-Les-Mines, le 24/04/2016, focus sur un artiste atypique et génial ! (dans le sens initial du mot, c'est-à-dire qui a trait au génie)
-> Pour celles & ceux qui l'ignoreraient encore, Bertrand Binois se définie lui-même comme " un tricoteur de couvertures ". Il est le directeur graphique des Éditions Fleur Sauvage, et plus récemment de la collection SLASH de l'Atelier Mosécu. Des couvertures qui ont fait l'unanimité tant elles sont originales, atypiques et ne ressemblent à aucune autre chez les concurrents. La charte graphique de Fleur Sauvage, c'est un peu l'un de ses piliers. Au fil des couvertures (une trentaine à ce jour), on a pu voir la palette immensément large de cet artiste, avec une très grande variété de couleurs, de compositions. Des couvertures qui ont le mérite de croquer à merveille un instantané du roman qu'elles illustrent. Parce oui, parfois (et souvent), la couverture de bon nombre de livres ne représente au final pas grand chose dr ledit livre. Avec Bertrand Binois, c'est complètement différent. À chaque illustration, le graphiste vise juste. Systématiquement.
Comme si ce n'était pas déjà beaucoup en terme de travail et de cordes à son arc, Bertrand Binois a un alter égo qui, lui, va plus aller gratouiller du côté du tissage de mots avec Bertrand B, qui a signé La Mesure du Possible. Et qui devrait bientôt revenir avec un autre auteur de génie, pour un projet à 4 mains, un certain Stan Kurtz... (j'dis ça, j'dis rien ! ).
Pour La mesure du Possible (grosse surprise de ce début d'année - pour un livre qui est sorti il y a quelques années), je vous renvoie à la chronique qui se trouve quelque part dans les Lymbes...
Mais pour parler de cet artiste unique en son genre, qui de mieux que l'artiste lui-même ?
Bertrand Binois photographié par le célèbre Docteur Whoo (lors du Salon des Mines Noires - 24/04/2016 à Nœux-Les-Mines)
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Bonjour, cher invité.
Tout d'abord, ça va ? Vous n'avez pas trop peur de vous retrouver ici bas ?
→ Bonjour les lymbes, bonjour les maux. Je vais bien et vous-mêmes ? Peur ? Non ! C'est très confortable ici.
Nous avons cru comprendre que vous aviez déjà parcouru un long chemin dans le domaine du graphisme. Vous pouvez nous en dire plus ? Sur ce qui vous a décidé à vous lancer dans de telles études ? Pour quelle(s) raison(s) ? Et ce qui vous intéresse, vous parle, dans ce domaine artistique ?
→ Je trouve important d'employer le temps de vie qui m'est donné à créer. Je crois avoir répondu " de la publicité ", au collège, quand on m'a demandé ce que je voulais faire plus tard. Arts plastiques au lycée, puis les Beaux Arts, que j'ai fui en quelques mois pour me jeter à corps perdu dans les arts appliqués et surtout numériques… il y a de cela bien longtemps. Ce qui m'intéresse ? Les images poétiques mais fortes, simples mais riches de sens. Les typographies évocatrices. Surprendre et intriguer.
Nous vous avons découvert en parcourant un jardin de fleurs sauvages...
Pour celles & ceux qui ne vous connaîtraient pas encore (ah les incultes !), vous êtes (si je ne me trompe pas) le directeur artistique des Éditions Fleur Sauvage (dirigées par David Lecomte), et implantées dans le Pas-de-Calais depuis quelques années. À ce jour, vous avez signé toutes les couvertures des publications de cette maison d'édition (environ une trentaine à l'heure où j'écris ces mots). Comment est née cette collaboration ?
→ David et moi étions déjà amis lorsqu'il a semé sa première Fleur Sauvage (Peintures de Guerre, dont je n'ai pas signé la couverture). De mon côté, frustré au quotidien dans mon " vrai métier " d'avoir de moins en moins d'espace de créativité pure et de possibilités de m'exprimer graphiquement, je lui ai offert de créer celle de " L'œuvre de Sang ". Une sorte de cadeau. Ou de test. Il m'a laissé faire et… je pense que ça a dû lui plaire.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Comment trouvez-vous l'inspiration, en général, pour vos couvertures ?
→ C'est très variable. Souvent, le titre et le pitch me suffisent. Parfois, quand j'ai le temps, je lis un quart ou un tiers du livre, jamais plus, pour ne pas dévoiler involontairement des éléments clés. Il arrive aussi que David me propose des idées, ou que je me tourne vers le comité de lecture pour leur demander un détail insolite, une couleur, un adjectif… et ensuite, je laisse faire l'instinct.
Y-a-t-il des couvertures qui soient plus difficiles à réaliser que d'autres ? Car on a l'impression que c'est un jeu d'enfant pour vous...
→ Bien sûr. Tant mieux si ça a l'air simple, mais ça ne l'est pas. J'ai déjà fait une quinzaine de propositions pour une couverture… tout comme j'ai déjà vu imprimer mon premier jet. Il arrive que mon idée soit infaisable parce que je ne dispose pas de l'objet dont j'ai besoin, ou de moyens de prendre une photo un peu spéciale. Parfois, le titre est un vrai casse-tête à typographier.
Combien de temps vous faut-il, en moyenne, pour concevoir une couv' de A à Z ?
→ Là encore, c'est très variable. De l'idée à la préparation pour impression, ça peut varier de 10 à 40h de travail…
Quelles est votre création préférée (ou vos...) chez Fleur Sauvage ?
→ Je les aime toutes ! Sinon je ne les aurais jamais laissé être imprimées. Mais quelques unes ont une résonance particulière ; Enragés, pour son cadrage improbable, Soul of London, pour sa composition inhabituelle, Solitudes pour sa pureté, la Carne pour son côté barré, Dusk pour sa poésie, Un cri silencieux pour sa symbolique et Hansker, car j'avais cette image en tête depuis longtemps et que le pitch y collait parfaitement.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Y en a-t-il une pour laquelle vous avez reçu plus d'éloges que les autres ? Qui a déchaîné les foules ?
→ Soul of London a un peu divisé les avis lorsque je l'ai proposée. Et puis finalement, elle semble beaucoup plaire. Dusk, en revanche, a fait l'unanimité dès le départ. Et puis la Compassion du Diable, qui a donné naissance à un concept de selfie et s'est fait appeler le livre bleu… mais sur laquelle certains ne voient pas le crâne (rire). Ah, on avait dit une seule ?
Couvertures de " La Compassion du Diable " qui a été reprise par les éditions Bragelonne pour la sortie poche dans la collection Milady-Thriller)
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Nos oreilles à rallonge ont entendu dire que vous faisiez des infidélités à Fleur Sauvage (rires). Et que votre nouveau nichoir était... comment dire... bien plus TRASH que ce à quoi vous nous avez habitué jusqu'à présent. Que pouvez-vous nous dire de cette nouvelle collection très... sanglante ?
→ En effet, je me suis commis avec l'Atelier Mosésu, qui m'a confié la création de la charte graphique, du logo et des couvertures de la nouvelle collection “Slash !”. Du gore pur, dur et assumé, du sang, des tripes et des boyaux. Et une bonne dose de fun. Cette collection est une sorte d’hommage, ou de réinvention de la collection « Gore » des années 80. J'ai proposé quelque chose de sanglant mais pulp, un peu “fake” et au look vintage.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Nous savons aussi, par nos espions, que vous ne vous cantonnez pas uniquement à la création graphique. Et que l'appel de la plume vous a titillé (sous le pseudonyme de Bertrand B). En est né le très original, inqualifiable, inracontable (sans trop en dire) mais ô combien génial LA MESURE DU POSSIBLE, sorti en 2013 chez Fleur Sauvage.
Comment est né ce projet surréaliste et dément ?
→ La Mesure est née toute seule. Sans me laisser le choix. Je n'avais jamais prévu d'écrire, encore moins de publier, jusqu'à ce qu'un soir une histoire devienne remuante dans ma tête. Elle a insisté pour sortir, la bougresse et " On s'habitue à tout " est arrivé. J'ai juste laissé la porte ouverte aux autres et finalement réalisé qu'elles avaient des points communs et que leur univers était cohérent. J'ai pas mal travaillé le truc jusqu'à décider d'en faire un “roman de nouvelles” et de publier chacun des “épisodes” en kindle. David Lecomte, sûrement par amitié, les a téléchargés. Et un jour, il est venu me voir pour me dire qu'il souhaitait me publier. En vrai papier de bois d’arbre.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } LA MESURE DU POSSIBLE dresse un univers particulier, atypique mais si riche en réflexions, en satires sociales. Vous nous proposez une galerie de personnages rocambolesques et... même si c'est une fiction, on peut tous reconnaître parmi eux des gens qui nous parleront également (dans notre quotidien). Comment vous ont-ils été inspiré (si ça n'est pas classé SECRET DÉFENSE ^^) ?
→ Il y a, comme chez chaque auteur je pense, des personnages inspirés de gens que je connais. Je pense moi-même être certains d'entre eux, un peu ou totalement. En revanche, ils sont volontairement traités comme des caricatures. Et c'est peut-être pour ça que vous y reconnaissez certains aspects de vos connaissances...
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Les extrêmes, la dualité, la sempiternelle opposition entre le Bien & le Mal sont des thèmes assez omniprésents dans ce livre. Pourquoi ont-ils été votre fil rouge dans LA MESURE DU POSSIBLE ?
→ Peut-être est-ce le thème de n'importe quel roman, ce rapport bien/mal. En revanche, ce qui m'a intéressé n'est pas tant leur opposition que leur nature. Proposer des situations ou événements difficiles à qualifier de bons ou mauvais. Et au travers de ça, de m'interroger sur une éventuelle troisième voie : ni l’un ni l’autre ? Ou les deux à la fois, impossible à dissocier ?
A moins qu’il ne s’agisse de trajectoires de personnages. Un acte jugé « bon » peut-il avoir des conséquences néfastes, poussé à l’extrême ? Au contraire, le pire ne peut-il pas apporter le meilleur ?
Après un premier essai rédactionnel aussi réussi, allez-vous réitérer votre méfait ? Que peut-on espérer y trouver cette fois ?
→ Je l'ai déjà un tout petit peu réitéré dans la nouvelle " Sous quelle étoile” " dans Silencieuse et Perfide. Mais le temps manque, surtout en raison de mon activité chronophage de tricoteur de couvertures… Cela dit, il se murmure que je prépare un quatre mains avec un auteur sûrement aussi barré que moi.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; } Pour changer, nous aimerions confronter nos chers invités aventureux à quelques questions issues du célèbre QUESTIONNAIRE DE (MARCEL) PROUST.
→ Quel serait votre plus grand malheur ?
De m'ennuyer.
→ Ce que vous voudriez être ?
Juste moi, mais en bien fait.
→ Vos héros/héroïnes préférés de fiction ?
Le Sandman de Neil Gaiman, John Constantine, Stan Kurtz.
→ Vos héros/héroïnes préférés dans la vie réelle ?
Dave McKean. Alvar Aalto. Amos Whitman. Ma mère.
→ Le don de la nature que vous voudriez avoir (même si vous semblez avoir été bien gâté par la nature – rires) ?
Savoir dessiner (et arrêter de prendre trois kilos dès que je mange un truc)
→ Les fautes qui vous inspirent le plus d'indulgence ?
Celles qui sont dues au manque de confiance en soi.
→ Votre devise ?
Même les choses fausses sont vraies.
Pour conclure, quels sont vos projets à venir ?
→ Ne rien projeter. Ah, on n’est plus dans le questionnaire de Proust ?
Merci à vous, Bertrand, d'avoir bien voulu répondre à notre interrogatoire. (Nous jurons n'avoir employé sur le cobaye choisi aucun instrument de torture afin de récolter ces précieuses informations ^^).
Un mot (ou maux) de la fin, peut-être ? Vous avez carte blanche pour vous exprimer sur ce que vous voulez...
→ Si vous me laissez une carte blanche, je ne vais pas pouvoir m'empêcher de griffonner dessus...
Toutes les autres couvertures pour Fleur Sauvage (collection noire) :
Stan Kurtz - Série B
Un format court (poche), une conception originale (voir la tranche avec les 6 tomes de cette première saison) et une identité visuelle unique !
La toute jeune collection Blanche des Éditions Fleur Sauvage (littérature générale), tout aussi percutante que sa grande sœur...
Les sorties prévues pour la rentrée 2016...
* Crédits Photos :
/https%3A%2F%2Fwww.whoozone.com%2Fimg%2Fnews%2Fles-mines-noires-de-noeux-les-mines-2016-570d.jpg)
Les Mines Noires de Noeux-les-Mines 2016 - Actualités Littérature - Les personnalités à l'actu
Whooz : Les Mines Noires, 2ème édition ON : Nœux-les-Mines Le salon Les Mines Noires se déroulera le 24 avril 2016 à la salle Georges Brassens de Nœux-les-Mines de 10h à 12h30 et de 14h à 1...