Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
02 Oct

" Elijah " de Noël Boudou (2017)

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

" Elijah " de Noël Boudou (2017)

Voilà une maison d'édition que je ne connaissais pas du tout, et un livre vers lequel je n'aurais pas été de moi-même je pense. Pourquoi ? Le titre (ce prénom me fait penser à un certain Mr Frodon) et puis la couverture ne m'attire pas (désolée, sincère un jour, sincère toujours). Mais voilà, quand t'as une certaine Chacha qui te hurle que ce livre est génial et tout et tout... bah tu cèdes.

Et au final tu ne regrette pas d'avoir eu un moment de faiblesse...

 

 

4ème de couverture :

 

" Elijah. C'est le prénom de mon petit frère.

Celui que je lui ai choisi quand on me l'a mis dans les bras.

Il est né alors que la violence était devenue une routine à la maison. Mon ivrogne de père terrorisait tout le monde et nous frappait tous les jours, ma mère et moi, sans que personne ne l'en empêche.

Jusqu'à ce fameux soir... Quand j'ai eu dix-huit ans.

J'ai attendu qu'il soit ivre à nouveau et je l'ai égorgé de sang-froid dans la cave. Hélas, ma mère venait de mourir sous ses coups en me laissant un petit frère pas comme les autres : ELIJAH.

Aujourd'hui, il a dix ans et il est handicapé.

Je m'occupe de lui depuis sa naissance. Je sais mieux que quiconque ce dont il a besoin. Il est mon unique raison de vivre. Ensemble, on est plus forts que tout, et rien ne peut nous séparer.

Mais un jour ils sont venus chez moi pour le kidnapper.

Qui sont ces hommes ? Pourquoi cet enlèvement ?

C'est à ce moment-là que j'ai perdu toute raison.

Je suis devenu un monstre. Comme eux.

Et la traque pour sauver ELIJAH, qui ne survivra pas longtemps sans moi, a commencé. "

 

Le mot de l'éditrice :

Pour son premier roman, l'auteur nous offre une histoire très noire. Sa plume souvent tranchante nous plonge dans le quotidien difficile de Gabriel et sa descente aux enfers.

Mais derrière cette noirceur, il y a l'histoire d'un jeune homme écorché par la vie, et celle de son frère. Leur relation donne beaucoup d'humanité à ce roman pourtant très dur.

Flamant Noir conseille ce livre à tous ceux qui aiment être bousculés par leur lecture...

-> Putain de karma...

 

Naître sous un mauvais karma ça arrive malheureusement. Et plus souvent qu'on ne le croit. Et souvent ça touche des gens bien.

Gabriel en a fait l'amère expérience. Un père violent qui le prenait pour un punching ball, une mère qui dégustait régulièrement, même enceinte. Tu connais la chanson. Pis un jour, le gosse commence à en avoir marre, et décide de se rebeller. Alors oui, quand t'as en face de toi un père tortionnaire complètement malade y a pas 36 solutions, tu t'en doutes. La solution ne peut être que radicale, irréversible. C'est ce que Gabriel a acheté en égorgeant son père : sa liberté. Hélas, sa mère n'a pas eu la chance d'en profiter, il a fallu que le jeune homme s'occupe d'un bébé lourdement handicapé, les blessures de sa mère étant trop graves (après une énième soirée de bastonnade en bonne et due forme). Gabriel est devenu un frère très protecteur. Trop protecteur ? Faut dire que le p'tit Elijah n'a pas eu ce qu'on pourrait appeler une bonne étoile au-dessus de son berceau. Il est lourdement handicapé, son état nécessite tout un tas de soins fastidieux, il peut à peine s'exprimer et se mouvoir... bref, j'te fais pas un dessin mais au quotidien ça n'est pas un cadeau même si pour son grand-frère Elijah est la plus belle chose que la vie lui ait offerte. Du coup, tu sais que les gens sont souvent très cons, bêtes et surtout méchants. Une moquerie, un regard de travers sur le p'tit frère et Gabriel part au quart de tour. J'te fais pas un dessin non plus mais t'auras sans doute saisi l'idée.

Pis pour donner à son p'tit frère une vie confortable, Gabriel donne dans l'extrême... tu sais, le plus vieux métier du monde, ça peut bien payer quand ta clientèle se situe du côté des grannys en manque de sensation forte et de jeunesse... j'te fais pas un dessin non plus, hein.

Un quotidien bien noir, bien dur dans lequel évoluent les deux frères mais le bien-être du p'tit dernier étant le plus important, Gabriel n'écoute plus ses besoins, jusqu'à une rencontre, LA belle rencontre de sa vie. Et là, l'espoir redevient possible, celui d'une vie meilleure, celui de l'amour qui pourrait bien apaiser les souffrances de toute une vie... Mais voilà, le karma ça peut être une belle saloperie. J'te fais pas de dessin, va falloir que tu plonges dans ces pages très noires pour voir de quoi je cause, hé ! hé !

 

-> Tu ne tueras point...

 

Alors oui, dès la 4ème de couv' on te prévient que ce livre est destiné à un public averti. Donc si t'es une petite chochotte que le vue du sang ou la loi du Talion choque, passe donc ton chemin.

En soi, je n'ai rien contre les livres qui bousculent les lecteurs, j'adore même ça (je pense à Patrick Senecal, Ghislain Gilberti, Mattias Köping qui m'ont fait récemment vibrer). Mais voilà, quand ça verse dans la surenchère ça me hérisse les poils. Oui, c'est sans doute la marque du premier roman, peut-être la peur de ne pas en faire assez alors sans le vouloir on en fait trop. Mais ça n'est pas grave, c'est perfectible, ça se travaille (et j'me souviens de 1ers romans de grandes pointures qui souffraient de gros défauts, ce qu'on n'a pas ici, il faut le dire). Donc tu comprendras que c'est la répétition du schéma " tu te moques de mon frère -> je te tue " qui m'a paru tout sauf vraisemblable. Sinon, à part ce petit bémol le propos est très fort. Déjà la gestion du handicap quand on doit en plus gérer un meurtre, et pas des moindres, celui de son père. De même que la culpabilité de ne pas avoir pu sauver sa mère alors qu'on est un garçon. D'où l'abnégation du héros pour offrir à son frère handicapé une vie des plus douces. D'où la critique cinglante de la société dans le rapport à la moquerie chez le plus grand nombre, et la perversité qui anime bon nombre de gens à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Une société malade viscéralement. Le handicap en comparaison c'est bien plus sain, enfin, sur le principe. On souffre malgré tout avec Gabriel car le p"tit Elijah ne semble pas impacté par son état. C'est une bouffée d'air frais ce gosse, et les chapitres où il parle avec ses mots sont très touchants. Mais tout n'est pas noir, malgré l'horreur du quotidien de Gabriel qui fait la pute pour des vieilles rombières mal baisées. Y a la rencontre avec le soleil de Gabriel, c'est beau, c'est plausible, ça fait du bien. Mais tu connais la chanson, " les histoires d'amour finissent mal... en général "... et le karma a toujours le dernier mot. Le passé finit toujours par se rappeler à ton bon souvenir, et là ça fait mal. Ça dérape... pour retrouver son frère kidnappé Gabriel va s'abandonner dans la violence la plus brutale et douloureuse qui soit. Vaudra pas mieux se retrouver sur son chemin...

 

Noël Boudou, une plume noire au fort potentiel...

Noël Boudou, une plume noire au fort potentiel...

< EXTRAIT >

 

" Les coups d'un père font plus mal que ceux d'un voyou. Bien plus mal. Vous pouvez me croire sur parole. C'est à l'âge de treize ans que j'ai décidé que plus jamais je ne ressentirais la douleur, après que mon père m'eut brisé la jambe. Une souffrance atroce.

J'avais treize ans quand j'ai commencé à infliger les pires brutalités à mon corps pour l'habituer à la douleur. Des plaies au couteau, des coups de cutter, des coups de tête dans les murs, des coups de tibia dans les pylônes de ma rue. Tout ce qui pouvait me faire mal et m'habituer à ne plus rien ressentir. Tout cela, et bien d'autres tortures.

Les premières douleurs ont été terribles, intenables. Il est impossible d'imaginer à quel point un simple clou planté dans la graisse du bide peut faire mal. Puis elles sont devenues supportables pour finir par disparaître. Je frottais mes plaies avec du papier de verre, et les désinfectais à l'alcool fort. Parfois, j'enfonçais mes doigts dans ma chair tellement les démangeaisons que provoquaient les cicatrices étaient vives.

Après quelques années, l'absence de sensations a commencé à éveiller un sentiment de toute puissance. Comme si rien, plus rien, sur cette terre, ne pouvait me faire souffrir. Mon père me frappait autant qu'il le voulait, aussi fort qu'il le voulait, je ne ressentais plus rien. Aucune douleur, aucune souffrance. Juste de la colère et de la haine.

J'avais dix-huit ans quand j'ai mis un terme à la vie de mon bourreau. Mon premier meurtre.

J'avais dix-huit ans quand j'ai tué mon père. "

MA NOTE :  4 / 5

 

Un roman très noir qui ne vous laissera pas indifférent. Des passages difficiles (parfois répétitifs, parfois surréalistes), une omniprésence de la vengeance, une quête (impossible) de rédemption, des passages crus et brutaux mais de la lumière malgré tout : l'amour fraternel peut déplacer des montagnes.

Elijah c'est un phare dressé dans un océan de ténèbres, un petit être innocent, injustement puni par la vie mais qui va contribuer à sauver l'âme de son frère. L'occasion d'évoquer (parfois trop souvent) les maltraitantes faites aux femmes & aux enfants, la question du handicap, la prostitution, ces thèmes étant toujours aussi tabous.

La surenchère de la violence, du gore, des sévices pourra en rebuter certain(e)s mais cela contribue à rendre l'histoire plus forte. Chacun appréciera en fonction de ses goûts et de son vécu.

Pour un premier roman, l'auteur nous présente un univers très intéressant, sombre, riche, percutant. Son style est à l'image de son propos : froid, sans fioritures, direct. Bien sûr on pourra toujours trouver quelques petits défauts dans un premier roman (je l'ai déjà évoqué plus tôt) mais on sera tellement focalisé par l'histoire qu'on ne s'y attardera pas, cela étant sans gravité au final.

De ce fait j'espère bien lire un deuxième roman de Noël Boudou, en plus paraît qu'il est branché métal, il a de bons goûts musicaux cet auteur-là, pour sûr !

Commenter cet article

À propos

Chers aventuriers égarés, bienvenus dans mon royaume souterrain où le Chaos, les Ténèbres et la Folie sont les seuls maîtres à bord ...