" Mör " de Johana Gustawsson (2017)
Johana Gustawsson fait partie de ces auteurs qu'on ne peut qu'aimer ! En plus d'être adorable, accessible et très sympathique, elle a ce don de ferrer l'attention du lecteur dès les premières pages. Et même si on peut avoir gardé quelques réserves sur un personnage féminin notamment (CF Block 46 et Alexis Castells), on a qu'une envie c'est lire le prochain roman.
Autant vous dire que l'attente a été fortement récompensée avec ce Mör, une perle noire comme on aime ! Un polar hallucinant et halluciné que je déconseille de lire en mangeant (surtout des aliments rouges et de la viande). Moi qui aimait le thon frais, ce livre m'en a dégoûtée à vie, je le crains...
4ème de couverture :
< MÖR> : adj. féminin. En suédois, signifie " tendre ". S'emploie pour parler de la viande.
Torvsjön, 16 juillet 2015. Sur les rives d'un lac, on retrouve le cadavre dépecé d'une femme. Ses seins, ses fesses, ses cuisses et ses hanches ont été amputés de plusieurs kilos de chair.
Londres, le lendemain matin. La profileuse Emily Roy est appelée sur les lieux d'une disparition inquiétante : l'actrice Julianne Bell a été enlevée à l'aube et ses chaussures ont été retrouvées à proximité de chez elle, emballées dans un sac de congélation.
Ces deux crimes portent la signature de Richard Hemfield, le " tueur de Tower Hamlets ", enfermé à perpétuité à l'hôpital psychiatrique de haute sécurité de Broadmoor. Dix ans plus tôt, il a été reconnu coupable du meurtre de six femmes et de celui de l'ancien compagnon de l'écrivaine Alexis Castells. Comment alors expliquer que ses crimes recommencent ?
Entrez dans le labyrinthe d'une intelligence perverse, née à Londres au XIX° siècle, dans les ruelles hantées par Jack l'Éventreur...
" Fascinant et terriblement efficace. "
Nicolas Lefort, Télématin sur France 2 à propos de Block 46
Johana Gustawsson vit à Londres avec son fils et son mari. Après Block 46, son premier roman, désormais publié dans près de quinze pays, Mör, la nouvelle enquête d'Emily Roy et Alexis Castells va vous couper l'appétit...
-> Tendre et saignant...
On reprend les mêmes et on recommence ? Non, pas vraiment, même si on peut observer plusieurs arcs narratifs similaires à Block 46 comme les parallèles avec l'histoire. Ce qui peut d'emblée faire penser à ça c'est, comme dans son roman précédent, un véritable fléau qui va germer depuis le passé. Ici, c'est dans les ruelles hantées par Jack L'Éventreur que va naître quelque chose qui ne va cesser de croître jusqu'à atteindre des proportions complètement hallucinantes ! Comme quoi, parfois ça tient à pas grand chose : misère + précarité + rejet + tout un tas d'autres choses = naissance d'une famille de véritables psychopathes ! Et le pire c'est que ça ne tient pas qu'aux liens du sang. Ouais, le sang ça fait pas tout pour une famille. Sauf que voilà, les idées, elles, peuvent enfouir leurs racines très profondément...
Après l'affaire de Block 46, Emily et Alexis sont restées en contact. Emily partage son temps entre le Canada et Londres où elle fréquente un flic croisé dans le roman précédent. Quant à Alexis, elle file le parfait amour, dira-t-on, avec le suédois rencontré lui aussi dans le précédent opus. Jusque là tout va bien sauf lorsqu'un cadavre est retrouvé dans une localité suédoise voisine à Falkenberg qu'on avait découvert dans Block 46 et qui fut aussi le théâtre de bien macabres découvertes.
En parallèle, Emily est dépêchée sur une nouvelle affaire à Londres où une actrice très en vogue a disparu. La vidéosurveillance prouve à privilégier le rapt. Et quand on retrouve ses chaussures dans un sac congélation avec de l'ADN qui relie à une autre affaire, bref, ça devient un véritable casse-tête qui va rapprocher Emily et Alexis. Deux théâtres d'opérations, l'un en Angleterre et l'autre en Suède et entre les deux un mode opératoire qui renvoie à une affaire qu'Alexis pensait avoir enterrée et qui va lui répéter à la figure... L'occasion pour elle de confronter de terribles démons, et pour Emily de se confronter à un machiavélisme sans nom en Suède. Entre les deux, le calvaire de la kidnappée, Julianne, véritable crève-coeur qu'on a peine à imaginer si on devait endurer cela... beurk ! Et pour pimenter tout cela (sinon c'est fade) l'auteure ponctue l'intrigue de flashbacks qui vont retracer la vie et la plongée dans les ténèbres d'une lignée de barges, car il faut bien appeler un chien un chien. Voilà pour l'intrigue, je simplifie et reste vague volontairement pour ne point trop en dire car c'est extrêmement jouissif à découvrir (oups ! j'en ai déjà trop dit !)
-> Saignant, à point ou cramé ?
Autant j'avais beaucoup apprécié Block 46 malgré quelques petites réserves très minimes, autant pour Mör : WAOUH ! Put...... une fois n'est pas coutume je vais rester polie même si tout un lot d'injures me viennent d'emblée à la bouche !
Ça fait bizarre d'écrire cela mais Mör est une véritable perle noire ! Un petit bijou qu'on aime dévorer ! (beurk ! je vois de la viande saignante, et pas d'originale animale et j'ai un peu la gerbe là...). Sur la couverture, quelques mots de R.J. Ellory : " Un écrivain audacieux et bourré de talent." et j'ai envie de dire qu'il est en dessous de la réalité ! C'est prodigieux, machiavélique et les mots me semblent bien dérisoires pour qualifier ce roman. Je l'ai littéralement dévoré, impossible à lâcher. Et quand il a fallu manger, ben il a eu le mérite de me permettre de jeûner, ce qui ne fait pas de mal ! (rires)
Bon alors c'est du gore pour du gore ? Ben non ! Ça sert véritablement l'intrigue et c'est ça qui est rudement bien trouvé : cette violence n'est jamais gratuite et elle n'est pas gore. Elle est distillée au compte-gouttes et on ne tombe jamais dans la surenchère. Bien plus que le simple mot "cannibale" c'est la situation révélée dans sa totalité, sa germination, son histoire qui sont foncièrement horribles.
Plus sérieusement, il y aurait tant de choses à en dire mais au risque de trop en révéler, je vais la faire courte, une fois n'est pas coutume également. Si vous avez aimé le précédent, vous allez adorer celui-là. Vous l'aurez compris rien qu'à la 4ème de couv' (du moins je l'espère), le cadavre qu'on retrouve dès le début en Suède est incomplet puisqu'il lui manque les parties les plus "tendres" : les seins, les fesses... sur lesquels on a prélevé des morceaux. Pour quoi faire, en voilà une question que les flics vont très vite se poser ? J'sais pas, un carpaccio, un bourguignon (enfin, je sais pas si les suédois cuisinent du bourguignon). Mama mia... quand vous allez comprendre le pourquoi du comment, vous hallucinerez, je vous le promets ! Parce que bon, ça je peux vous le révéler, mais cette viande gratos n'est pas prélevée gratuitement. Enfin, si, y en a qui prennent leur pied à manger humain, mais c'est tout un rituel très lourd de sens en vérité... Oh ! quand j'y repense, ça me serre l'estomac. Tout comme Majestic Murder d'Armelle Carbonel, Mör est un livre qui vous hantera encore longtemps. Certaines images s'incrusteront de manière indélébile dans vos rétines et votre mémoire. C'est comme ça et c'est la marque de fabrique du prodigieux ! Ils sont pas nombreux à savoir faire ça, et en plus, on leur donnerait le bon dieu sans confession tellement ils sont mignons, ces auteurs. Enfin, je devrais plutôt dire "elles" ! (rires) C'est encore plus effrayant, ne trouvez-vous pas ? Où vont-elles chercher tout cela, hein !
Sinon, pour en revenir au roman - parce que j'ai l'impression de dévier de mon propos initial - j'ai adoré les passages dans le Londres victorien, tout y était comme dans le génial Soul of London de Gaëlle Perrin-Guillet : les odeurs, le froid, l'inconfort, la peur, la précarité... ah ! quel régal ! Faut vraiment être un peu siphonnée pour se réjouir de la détresse de certains personnages, non ?
Et la Suède, ah ! Mais je veux goûter ces fameux pains à la cannelle ! Je vais dévaliser le rayon épicerie d'Ikea le mois prochain je crois ! À moins de farfouiller sur le net et de trouver les recettes en question. Dis-moi, chère Johana, serait-il envisageable de mettre la recette de ces fameux pains à la cannelle dans ton prochain roman ? (rires)
< EXTRAITS >
" - Ah ! si c'était des ladies massacrées en plein Kensington, crois-moi, le coupable serait déjà derrière les barreaux, trancha-t-elle en se relevant péniblement. Mais voilà, ce sont des femmes du peuple qui sont persécutées. Alors, si tu crois qu'ils vont s'occuper des meurtres de prostituées d'un quartier qui fait honte à la reine, tu te trompes. "
(...)
" Seul un fait demeurait indiscutable : les femmes de Whitechapel vivaient avec la Mort aux trousses. "
(...)
" À Londres, rien ne semblait jamais s'arrêter : ni le flux de gens, ni le travail, ni le bruit ; rien ne parvenait à ralentir la course de cette lady obstinée : ni la pluie, ni le smog, ni même la nuit. Elle emportait un grand nombre de fous dans son sillage, qui mouraient à force d'essayer. Quoi ? Ils ne le savaient même plus. Ils avaient oublié pourquoi ils travaillaient seize heures par jour, à défaut d'aller goûter la vie ailleurs. "
(...)
" La théorie doit s'adapter aux faits et non l'inverse. "
-> Vous remarquerez que j'ai volontairement occulté les passages un peu trop culinaires... (rires)
-> MA NOTE : 5 + / 5
Avec Mör, Johana Gustawsson frappe très fort et avec deux romans se hisse déjà dans la panthéon des grandes prêtresses du roman noir actuel !
Diabolique, brutal, choquant, grandiose, procurez-vous ce petit bijou de polar !
Entre Londres et la Suède, dépaysement garanti ! Et côté cuisine, rien à envier au grand chef Hannibal Lecter qui passerait presque pour un débutant !
On y regardera à deux fois à ce qu'on vous sert dans votre assiette. Un livre dans lequel on ne voit pas du tout venir les rebondissements, et ils sont nombreux ! Une galerie de malades tous aussi barges les uns que les autres ! En plus d'être cannibales, ils ont chacun des pathologies psychiatriques bien gerbantes ! Et que dire des faux-semblants hallucinants !
C'est du très bon, c'est prodigieux, un putain de page turner ! (oups ! ma langue a fourché...) Nos deux héroïnes ont gagné en maturité, Alexis en prend plein la tronche (attirant même la sympathie - donc mission réussie Johana !), et Emilie Roy est juste magistrale ! Mention spéciale à la stagiaire, Aliénor, qui m'a fait sourire plus d'une fois ! En voilà une équipe de femmes fortes, modernes, intelligentes qu'on a plaisir à voir évoluer !
Un mot sur le titre du livre dont on nous dit qu'en suédois il signifie "tendre" pour parler de la viande. Mais on peut aussi l'appliquer à un coeur tendre, tellement tendre que par amour et dévotion il s'abaisse aux pires travers qui soient, pervertissant même la chair fraîche et innocente. Bon, et puis phonétiquement, en anglais "more" ça veut dire : plus ! encore ! Et c'est ce qu'on ressent malgré l'horreur dans laquelle nous entraîne l'intrigue. Enfin, phonétiquement, en français ça donne "mort" et c'est ce que vous trouverez également dans ces pages. La mort en embuscade, donc attention aux âmes sensibles ! hé ! hé !
Je m'autocensure volontairement pour que vous gardiez intact le plaisir de la découverte de cette bombe ! Allez-y ! Vous ne serez pas déçu ! Vivement le prochain !!!