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13 Apr

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Publié par Benedict Mitchell  - Catégories :  #Alcôves

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

De la nouveauté. On en a tous besoin. Terriblement même ! Par conséquent, quel putain de plaisir ça fait de tomber sur un livre comme La Mesure du possible - contes absurdes & petite fêlures invisibles ! Parce que déjà, c'est un recueil de nouvelles, mais pas que. C'est aussi un roman, quelque part... Vous ne me comprenez pas ? C'est rien. Ça ne fait que commencer... ^^

Déjà, la couverture - réalisée par l'alter égo de Monsieur Bertrand B. (et ça n'est plus un secret, apparemment...) qui n'est autre que le talentueux graphiste des Éditions Fleur Sauvage, Bertrand Binois - interpelle. Elle a un je-ne-sais-quoi de poétique, de profond, de métaphysique. Ah, si vous saviez ma p'tite dame de quoi il en retourne hé ! hé ! Bref. La 4ème de couverture est une invitation sans équivoque à un voyage duquel vous ne ressortirez pas indemne...

-> " Comment résumer, sans gâcher le plaisir du lecteur, ce roman hors-normes déguisé en recueil de nouvelles fantastiques, étranges et cyniques ?

Il faudrait pouvoir répondre, en quelques mots et le sourire aux lèvres, à ces questions :

Y a-t-il une troisième voie entre le bien® et le mal® ?

Peut-on s'habituer à tout ?

Et quel rapport avec les croquettes pour chat ? "

Quelque part entre Neil Gaiman et Pierre Desproges, Bertrand B. nous livre un univers atypique et s'amuse des trajectoires de ses personnages décalés.

Bertrand B. (qui existe bel et bien ^^)

Bertrand B. (qui existe bel et bien ^^)

Comment chroniquer un tel livre, sans trop en dévoiler ? Et surtout, compte tenu du fait de son format des plus original ?

Parce que déjà, qu'on se le dise, ce livre est comme un bonbon qui pique : il a l'air tout acidulé, tout doux. On l'enfourne avec gourmandise (sans mauvais jeux de mots hein ! J'vous vois déjà venir avec vos gros sabots !!!) et diableries !!! Ça pique et ça arrache même quelques larmes... et passé le stade du " aïe-aïe-aïe-quelle-saloperie!!! " on n'y résiste pas et on recommence... et encore...

Mais sinon, concrètement, La Mesure du possible se compose de 7 nouvelles, de tailles variables, et d'un bonus, une piste cachée, un peu comme sur la plupart des CD : c'est le titre fantôme, celui qui se découvre avec délectation tout à la fin... 7 nouvelles (et demi, donc) qui traitent de tout un tas de choses, débordant et dégoulinant de satires, d'humour noir & grinçant comme on aime, de jolies choses malgré tout, de fous rires, de réflexions métaphysiques-existentielles et surtout absurdes, d'une grosse dose de cynisme et même de quelques larmes (de rire, mais pas que...). Un ovni mais énoooorme ! Du genre vaisseau spatial. Vous voyez ? Un simulacre de destroyer intergalactique, le truc pas discret du tout quoi ! Bon, et puis, ce livre n'est surtout pas à prendre au premier degré (enfin, quoi que, ça se discute !). Effectivement, comme l'indique la 4ème, il se situe " quelques part entre Pierre Desproges & Neil Gaiman ". Clairement. Mais pas que : je rajoute à la liste Bernard Werber et Terry Pratchett. Si, si. Indubitablement.

C'est un livre qui a sa place dans la table de chevet avec les livres médicaments/pansements/doudous comme L'Alchimiste de Paulo Coelho ou Nos Rêves Indiens de Stéphane Marchand. Sauf que La Mesure du possible nous rappelle le bon sens, l'absurdité de l'humanité, la fugacité de la vie et tant d'autres choses... le tout d'une manière cinglante, brutale, déjantée, barge... mais toujours avec une bonne dose de bon sens et de vérités. Et en plus, il va vous faire rire et mourir de rire. Donc, que demander de plus ?

Du coup, comme on ne peut trop en dire sans spoiler et briser le plaisir jouissif que vous éprouverez (si vous ne l'avez pas encore lu, fainéant ou ignorant que vous êtes) en le parcourant, voici une brève présentation des nouvelles, dans les grandes lignes, et surtout très générales. Juste pour vous donner un petit avant-goût.

1. On s'habitue à tout

Les illustrations des nouvelles, vous les retrouverez dans le livre mais en noir et blanc. C'est déjà bien mais rien de tel que la couleur !

Les illustrations des nouvelles, vous les retrouverez dans le livre mais en noir et blanc. C'est déjà bien mais rien de tel que la couleur !

Une introduction des plus tonitruantes et décapantes ! C'est toujours marrant de découvrir les illustrations avant la lecture. On échafaude tout un tas d'hypothèses toutes aussi abracadabrantesques les unes que les autres pour s'apercevoir qu'on fait systématique fausse route...

De quoi ça parle ?

Ici on est en présence d'une fable satirique (et humoristique), racontée par un petit garçon, l'adorable Sid qui nous parle de sa vie avec ce regard attendrissant et plein de pureté & d'innocence qu'ont les enfants de son âge. C'est drôle, assurément.

On y parle aussi du bien & du mal, de l'enfer & du paradis et d'une esquisse d'utopie...

Un petit indice musical (qui figure dans la bande originale du livre - oui, il en possède une et c'est une très bonne chose !)

Bon, je triche un peu car j'ai mis la cover des Guns N'Roses (qui est - selon moi - tout aussi bonne que l'originale des Stones ^^ Aïe, pitié ne pas frappez pas...)...

-> EXTRAITS

" La maîtresse a dit qu'on allait construire des nouvelles maisons et réparer la ville. Et aussi des nouvelles routes et un tramway. Je ne savais pas ce que c'était un tramway, mais ça avait l'air super. Et j'aime bien les camions de chantier.

Ensuite, un monsieur gris avec des petites cornes est venu nous expliquer comment marchait l'Enfer. En fait, c'est là que vont les gens qui ont été méchants quand ils meurent, et on les torture pour toujours. Mais c'est juste un travail et les démons sont pas si méchants. "

(...)

" Après , le monsieur tout gris nous a expliqué comment l'Enfer allait développer une économie. Et aussi ce que c'était qu'une économie. J'en avais jamais vu une avant, je croyais que c'était juste quand on mettait des pièces dans la tirelire.

Il nous a dit aussi que le monde entier nous regardait et que nous allions bientôt vivre dans une grande ville importante. Moi je m'en fichais, mais si la maîtresse et Papa et Maman étaient plus gentils, alors ça me plaisait. Même s'il faisait chaud et qu'il y avait du bruit quand il y avait du vent. Et que ça sentait le soufre. "

2. Huile sur bois

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Un tableau, " La Descente de Croix " de Huygens est au centre de toutes les attentions...

Une nouvelle qui flirte avec Oscar Wilde... et qui traite de l'inspiration, de l'obsession (au pluriel même), de l'immortalité de l'art & de cette insatiable soif de reconnaissance artistique.

-> EXTRAIT

" - C'est lui, répondit-il. L'inconnu qui vient tous les samedis depuis des années juste pour voir la Descente de Croix et qui la prend en photo.

- Ah oui, votre madeleine de Proust ! Vous l'avez finalement appréhendé au péril de votre vie ? Et qu'a-t-il fait alors ? Il a avoué ?

Lindemanns nota machinalement de rechercher le soir même qui pouvait être cette madame Deproust. "

3. Marque déposée®

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Pour être absurde, Marque déposée® l'est complètement, et pour notre plus grand plaisir ! Cristallisant à elle-seule l'absurdité de notre société®, cette nouvelle vous fera l'effet d'un uppercut en plein estomac® ! Il y est question de propriétés intellectuelles®, de créativité, de lois, de la facilité de céder à l'appel tonitruant de la cupidité® et de l'argent facile®.

Vous ne comprenez pas cette avalanche de ®®®®... C'est pas grave ! ^^ Moi non plus, au début. Désormais ça me fait mourir de rire, et surtout grincer des gens à l'idée que cela puisse être possible (et je suis sûre que quelque part ça pourrait l'être, ne serait-ce que lorsqu'on voit la teneur de bons nombres de procès absurdes, surtout aux U.S.A. d'ailleurs...). Bon, et puis cette nouvelle met le doigt là où ça fait mal : cette faculté qu'ont certaines personnes à repousser & exploiter les failles du système à leur paroxysme.

-> EXTRAITS

" Durant ce ballet, dans un recoin sombre et chaud de son hémisphère droit, une Idée Sournoise naquit et se développa lentement à son insu. Elle prit tout son temps, grandissant à mesure que Monsieur C. découvrait quantité de lois, de doctrines, de jurisprudences et d'idées reçues brisées concernant la propriété intellectuelle et les marques déposées. Elle se mit à pousser, à grossir, ne remarquant qu'à peine les ramifications qui grandissaient dans son dos. Et, une bonne demi-heure avant que l'on ne considère aujourd'hui comme demain, munie de ses grandes œillères, elle se dirigea d'un pas décidé vers le Conscience afin d'y prendre la parole. Au moment même où elle jaillissait dans cette dernière, Monsieur C. découvrait qu'un petit malin, par le passé, avait déposé le terme " An 2000® " et s'en était ainsi rendu maître absolu.

Et avait eu gain de cause.

Et s'en était fait des testicules en titane.

Monsieur C. poussa un juron que l'éditeur n'a pas reçu la permission de reproduire et l'Idée Sournoise rougit de plaisir. On pouvait donc se rendre propriétaire de tout et n'importe quoi ?

Alors Monsieur C. allait devenir propriétaire d'une idée. Elle serait à lui, rien qu'à lui. Elle deviendrait son exclusivité, sa fierté et, surtout, elle emmerderait copieusement d'autres êtres humains. "

(...)

" Et comme toujours, quand une idée creuse, elle tente de descendre aux racines.

Ou, au choix, de remonter à la source. "

4. Un peu (de) mort (fine)

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Les fonctionnaires sont bien taclés dans cette nouvelle hautement jouissive et satirique. Leur incompétence légendaire n'a ici plus rien de folklorique. Elle est même sacrément emmerdante pour certains... créant, à cause de quelques incultes, un regrettable quiproquo.

Mais avant, un peu de musique maestro !!!

-> EXTRAITS

" Je me suis retrouvé mort ce matin, au beau milieu de mon salon.

Non, pas exactement au milieu.

Un peu sur le côté, sur le tapis à poil gris, entre le canapé et la table basse, les pieds face à la porte de la cuisine.

Ma mort fut un choc, je ne m'y attendais vraiment pas. Heureusement, on était dimanche.

Que s'était-il passé ?

Pas facile de faire le tri dans mes souvenirs avec un mal de crâne pareil, mais il me semble que j'étais en pleine conversation avec mon oreiller qui, du haut de son confort incomparable, me reprochait la biture de la veille.

C'est sûrement un bruit sourd du salon qui m'a tiré de ma traditionnelle gueule de bois dominicale. Je me souviens m'être levé péniblement, avoir enfilé les fringues pas fraîches de la veille et avoir traversé le couloir en me demandant lequel de mes chats avait encore pu causer une catastrophe.

Je l'admets, dernièrement, ma mémoire m'a fait défaut. Sûrement à cause de l'âge ou des excès éthyliques de mon célibat.

En revanche, ce qui vient de se passer est une certitude : je suis entré dans le salon et je me suis retrouvé, mort, au pied du canapé.

Je n'ai rien vu venir. Je persiste à le dire, je ne m'y attendais vraiment pas !

Qui s'y attendrait ? Mettez-vous à ma place, juste une minute : rien ne laissait présager ma mort.

Pas à court terme, du moins. "

(...)

" Je ne parvenais pas à faire une liste exhaustive des conséquences, mais je sentais bien que ma mort allait changer ma vie. "

(...)

" J'attaquai le creux du bras gauche à la scie à métaux.

Quel étrange plaisir que de pousser la lame à s'enfoncer dans la chair !

Quelle intense jouissance que de sentir la larde de métal finement crantée séparer joyeusement la jonction du coude. Un régal que ces solides cartilages et ces tendres tendons. Ça craquait, ça couinait, ça giclait. Je ne me lassais pas du spectacle des projections de chair et de liquides diverses qui s'envolaient tels des geysers et retombaient sur la grande bâche en plastique bleu couvrant le sol et une vieille planche sur tréteaux devenue mon établi pour l'occasion.

Je n'aurais jamais imaginé me fendre autant la gueule à faire ça. Et je redoublais d'ardeur, satisfait de l'absence de fatigue dans l'action. "

(...)

" Choisir, c'est renoncer. Better to reign in Hell, s'était-il alors dit, mieux vaut régner en Enfer que servir et bêler au Paradis. "

5. Gustave

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Gustave nous amène dans un autre univers, celui de ses vieilles maisons familiales chargées d'histoires, d'énergies, de souvenirs, et de bruits suspects... de ces fantômes du passé, & des souvenirs qui y sont associés, qui nous hantent, et peuvent finir par nos ronger la raison & l'esprit. Le texte se présente sous une forme chronologique complètement décousue et désordonnée, très originale et efficace de surcroît !

Y est aussi dénoncé le rejet des anticonformistes dans une société malheureusement très matérialiste, futile et très branchée " troupeau de moutons qui avance dans la même direction, encore et toujours. " ^^

-> EXTRAITS

" On était samedi soir, et tout le monde était très occupé à s'amuser. Maquillage peaufiné pour les unes, look décontracté étudié pour les uns, la parade de séduction tenait sa vitesse de croisière. Les autres, les accouplés, n'étaient pas en reste, concentrés à reluquer ailleurs ou à surenchérir de réussite personnelle ou sociale. Coqs et poules étaient lâchés et la basse-cour était un bel appartement du centre-ville, enluminé d'un mélange de design suédois et de bric-à-brac bobo, sonorisé des meilleurs tubes des années 80 qui revenaient - malheureusement ? - à la mode chez les trentenaires.

Lui, par contre, ne faisait qu'acte de présence.

Il était là parce qu'on ne refuse pas une invitation un samedi soir, de surcroît quand on n'a rien de prévu. Ça ne se fait tout simplement pas de n'avoir aucune activité sociale, alcoolique ou sexuelle un samedi, surtout à 30 ans et sans enfant. C'est une question de convenance et d'étiquette, on est tout de même au vingt-et-unième siècle, merde. "

(...)

" En fait, j'ai attendu d'être ado, genre treize ans, de voir des films d'horreur et de lire des romans pour comprendre qu'une porte qui claque en pleine nuit n'a rien de " normal ". Que ces bruits de la nuit étaient " étranges " et qu'un fantôme DOIT faire peur. Mais ce que l'on connaît depuis toujours n'a rien d'étrange ni d'effrayant, tu comprends ? Ce n'est qu'un point de vue, celui du plus grand nombre, celui des romanciers et des réalisateurs. La normalité, la banalité, c'est ce qui ne présente pour nous aucune surprise. Dans les films, on voit des gens terrorisés par ces phénomènes qui me semblent communs. J'ai grandi avec lui, pourquoi en aurais-je peur ? "

6. Avant l'Après

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Ici, est mise en avant la folie de l'amour, celle qui nous pousse à nous surpasser, qui nous aveugle complètement l'esprit... nous faisant perdre le sens commun, la tête et toutes ces normes morales.

-> EXTRAITS

" La lame se targue d'un arrogant " 440 STAINLESS STEEL " pour tenter de justifier son coût exorbitant. Elle appartient à un couteau de l'armée qui sent encore le bon neuf et la graisse : manche antidérapant, lame avec scie de deux millimètres d'épaisseur et de dix-neuf centimètres de long, fourni dans son étui en cuir. Un bon gros tranchoir tout droit sorti d'un surplus militaire, vendu quarante-huit heures plus tôt et trente-cinq kilomètres plus loin comme le nec-plus-ultra du magasin. J'ai le même à la maison, vous le donnerez à vos petits-enfants, faites-moi confiance, il coupera encore comme un rasoir quand nous serons tous entre quatre planches.

Une magnifique escroquerie bonimentée de langue de maître, car ce couteau - de merde, disons-le tout net - avait été vendu pour onze fois son coût de fabrication, de production et de charges annexes, mais avec le sourire et en liquide.

Néanmoins, que le lecteur se rassure, sa lame est parfaitement apte à traverser la couche graisseuse et l'espace intercostal d'un être humain de taille moyenne, à l'embonpoint justifié par une quarantaine bien entamée, bon père de famille et employé sédentaire du secteur tertiaire. "

(...)

" Or, c'est bien connu, les félins ont un incroyable pouvoir sur la psyché humaine. Ils ont réussi à domestiquer l'humanité depuis des siècles et à lui faire accomplir pour eux les tâches les plus ingrates : les nourrir, changer leur litière, les brosser, les câliner, et ce sans même offrir en contrepartie une quelconque fidélité. Ils ont réussi à s'emparer des médias, en devenant le principal sujet de publication sur internet. Ils sont même capables de calmer les pulsions sanguinaires du plus barbare des tueurs et de détourner le regard des plus faibles victimes, pourtant occupées à vivre leurs derniers instants. "

(...)

" Tuer un homme n'est jamais une mince affaire. En tout cas pas en Occident, pas à notre époque et pas à l'arme blanche. "

(...)

" Ne montre pas trop que tout va bien, le Destin pourrait s'en apercevoir. "

(...)

" Les gens sont ensemble parce qu'ils n'ont pas le choix, en général. Ils sont en couple parce que c'est un schéma qu'on leur impose, parce que c'est comme ça. Les couples se forment parce que les deux regardent leur montre et se disent " Oh là là ! Il est vingt-cinq ans, faut que j'me case ". Ça marche aussi avec trente ans, hein, te formalise pas. Donc, ils décident d'être amoureux de celle-là ou de celui-là, parce que c'est pas un trop mauvais coup et qu'il ou elle va bien avec leur intérieur, qu'il a du blé ou du pouvoir. Des raison, y'en a pas mal. Bref, ils se résignent, décident qu'ils sont heureux et font tout pour le montrer au reste du monde et même à eux-mêmes. Mais leur love-love, c'est du toc. "

7. Fête de fins damnées

" La mesure du possible ", de Bertrand B. (2013)

Enfin, une ultime nouvelle qui développera les erreurs commises (et qu'on ne peut se pardonner), la tricherie, les apparences (dont il faut toujours se méfier!), le profit personnel, la vie après la mort....

Dès la première page, sous le titre de la nouvelle, le ton est donné, d'emblée !

" Dramédie en quatre mouvements

précédée d'un prologue en forme de chute & clôturée par un épilogue à poils longs "

-> EXTRAITS

" Bon. Il doit se rendre à l'évidence, il est mort.

Le raisonnement pour y parvenir est d'une implacable logique.

Son seul souvenir est une lumière blanche aveuglante qui a précédé ce qui occupe maintenant son champ de vision.

Il ne sent pas son corps, comme s'il n'en avait pas, comme s'il n'existait pas. Pourtant, les informations transmises par ses yeux sont son appel : ses mains sont là, ses pieds aussi. Et tout le reste, dans sa plus parfaite nudité et sans pilosité aucune.

Presque tout le reste, car il n'a ni pénis, ni poitrine, ni vagin (ni rectum, pour peu que ça intéresse quelqu'un). Pour se donner un genre, c'est donc par pure convention machiste que nous l'appellerons, pour l'instant, il.

Il n'a pas froid. Il n'a pas chaud. Il n'a ni faim, ni soif. Il ne perçoit aucune odeur, aucun son.

Donc, il est mort.

Il n'a mal nulle part. Or, passé un certain âge, quand on n'a mal nulle part, c'est qu'on est mort. Aucun moyen de se rappeler, bien sûr, d'où il tient ça, mais ça ressemble à une parole d'évangile. Il n'a aucun souvenir, ni aucune idée du nom qu'il devait porter auparavant. Ni même de ce qu'est un nom.

Donc, il est mort.

Il est seul, osons dire " comme un con ", debout sur ce sol blanc, indistinct et abstrait, devant ce grand mur tout aussi blanc, indistinct et abstrait, dont les limites ne lui apparaissent pas évidentes, tout aussi blanches, indistinctes et abstraites. "

(...)

" ... quel que soit l'endroit où tu vas, n'oublie pas que la destination n'a pas d'importance. Seul le chemin en a. "

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MA NOTE : 4,75/5

-> UNE PLONGÉE DÉTONANTE ET DÉCAPANTE DANS L'ABSURDE VÉRITÉ QUE PEUT SE RÉVÉLER ÊTRE LA VIE, & UNE SATIRE EXPLOSIVE DE LA SOCIÉTÉ DANS TOUT CE QU'ELLE A DE PLUS VIL, CUPIDE, AMORALE, LOUFOQUE....

Alors oui, j'ai vraiment adoré La Mesure du possible. Cette façon qu'a Bertrand B. de manier les mots, les situations insensées et irréelles (et pourtant pas tant que ça quand on voit dans quelle direction va le monde....), son style qui lui est propre, noir et grinçant (cinglant), tout cela fait de ce petit bijou un livre culte. De plus, le tissage des récits, s'imbriquant les uns dans les autres, se faisant échos d'une manière dont je ne parlerai pas, est juste incroyablement bien maîtrisé (et de même que sacrément futé). Je n'ai pas parlé de la dernière nouvelle, Vétéran, véritable final stupéfiant (bien que j'ai deviné, dès les premières lignes, qui se cachait vraiment derrière l'énigmatique personnage qui officie ici en tant que narrateur), qui a réussit à m'arracher une larme ! Hé, Monsieur B., faut pas trop jouer avec mon palpitant foireux !!! Poum poum...

Certes, je n'ai pas accordé un carton plein à La Mesure du possible pour un bémol : j'ai constaté à plusieurs reprises, outre des coquilles résistantes (comme ça arrive souvent un peu partout ^^), quelques lourdeurs de syntaxes qui auraient pu s'embellir et s'alléger grâce à des virgules supplémentaires. Ensuite, les redondances sont la plupart du temps voulues par l'auteur, ça fait partie du style et il n'y a pas de problèmes. Sauf, qu'à certains moments, ça devient un peu trop mastoc. L'utilisation récurrente d'adverbe tend également, parfois, à alourdir la syntaxe dans son ensemble. Ça n'est en définitif pas bien méchant mais l'ensemble gagnerait à être véritablement parfait, dans tous les sens du terme.

Outre ce que j'ai déjà développé (quant à ce qui m'a plu dans l'ensemble), l'écriture de l'auteur est à mourir de rire : il manie habilement les mots, le bougre ! J'ai répertorié quelques exemples d'expressions loufoques telles que " un parcours professionnel tout en caresses buccales... " ou encore " Vous savez, on meurt toujours, finalement, d'un arrêt du cœur. " Mais il y en a vraiment des tonnes, ce qui rend la lecture très très agréable !

Alors oui, c'est complètement barré, frappadingue, mais tellement révélateur de l'humanité, de ses nombreuses déviances en matière de société, de politique, de religions, de morale etc... Tout en en riant, ça met le doigt là où ça fait mal, peut-être pour nous faire prendre conscience qu'on vaut mieux que ça, qu'on est pas si con (enfin, j'espère), qu'on peut relever le niveau... À méditer, donc (et longuement, si possible).

L'incursion du fantastique reste minime et crédible, ce qui est incontestablement un plus.

Finalement, le bien® et le mal® sont un état d'esprit, changeant et fluctuant au gré de pas mal de paramètres. Et ils ont encore, tous deux, de beaux jours devant eux. Tout comme on peut s'habituer à tout et que les chats domineront un jour le monde (enfin, si c'est pas déjà le cas, car j'ai subitement un doute !).

Sincèrement, foncez, lisez-le : la construction de La Mesure du possible est réellement surprenante, originale. À chaque nouvelle, je me suis (encore) retrouvée sur le cul avec.... l'auteur n'a pas reçu l'autorisation d'en dire plus sous peine de spoiler et de se faire allumer par des instantes supérieures. Et puis merde ! cette couverture est juste diablement efficace, et plus encore une fois le livre achevé ^^

Bon, bah c'est pas tout ça mais j'en reprendrai bien une tranche !

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