" Baise-moi " (film) de Virginie Despentes ( 2000)
Une fois n'est pas coutume j'aimerais revenir sur un film (qui date certes) mais qui marque les esprits, au même titre que le roman éponyme dont il est l'adaptation. Et quoi de mieux qu'une adaptation réalisée par l'auteure en personne ! Ce film a 15 ans (déjà) et pourtant je ne le découvre qu'aujourd'hui. En recherche de lectures " trash " et sans concessions, Virginie Despentes est un nom qui revient souvent ... le symbole d'une mouvance littéraire qui se veut crue et brutale, à l'image de la vie (parfois) ... Il ne m'en fallait pas plus pour voir ce film qui avait tant fait couler d'encre à l'époque de sa sortie et dont même le titre vous faisait dire " ah ouais ... quand même ! ".
Alors on peut se poser la question : film pornographique ou film ultra violent ? Personnellement ça n'est pas pour moi un porno (car c'est bien connu un porno n'a pas d'histoire, c'est de la baise purement et simplement, et si on regardait un porno pour se poser des réflexions existentielles, on le saurait hein ! ). Ici, les quelques scènes de sexe non simulées sont là pour renforcer la dureté de l'histoire, la violence du quotidien des deux protagonistes, Manu et Nadine, deux jeunes femmes que la vie n'a pas épargné ...
< Synopsis >
" Nadine aime regarder des films pornographiques, se livre à la prostitution pour gagner sa vie et pour son plaisir, et a pour meilleur ami Francis, un toxicomane qu'elle aide à se fournir en subutex. Ce dernier se fait bientôt assassiner en pleine rue par des inconnus. Par ailleurs, le mode de vie de Nadine insupporte sa colocataire qui jacasse à longueur de journée. Un soir, elles en viennent aux mains et Nadine l'étrangle.
Manu, jeune Maghrébine à la langue bien pendue, a une vie qui la satisfait : elle arrive à trouver à peu près tous les jours à étancher sa soif de foutre, de bière et de whisky1. Elle tient tête aux mecs de son quartier après qu'ils s'en soient violemment pris à un plus jeune qu'eux. Un soir qu'elle se promène avec une autre fille, trois hommes les abordent, les emmènent dans un hangar et les violent. Manu est passive alors que l'autre résiste. Partant du principe que « ma chatte, je peux empêcher personne d'y entrer, alors je mets rien de précieux à l'intérieur », Manu rentre chez elle sans changer ses habitudes ni porter plainte. En voyant son état, son frère se doute de quelque chose et s'indigne qu'elle soit si désinvolte à propos de son viol. Manu prend le pistolet de son frère et l'abat. Il meurt sur le coup. Elle ramasse ensuite ses économies dont il n'a plus besoin, l'embrasse tendrement sur le menton et s'en va.
Un peu plus tard, Manu rencontre Nadine près d'une gare. Elles se trouvent un but commun : ne plus subir la vie, prendre la route et vivre à cent à l'heure. Elles deviennent vite inséparables et prennent leur pied dans des partouzes sans lendemain et des tueries sanglantes, qu'elles opèrent sur des inconnus sans aucune discrimination ni motif autre que l'éclate. Elles sont conscientes que l'aventure se terminera sans doute mal, et alors ? "
Alors déjà, ce qui frappe - lorsqu'on regarde de plus près la vie de la réalisatrice/auteure et celle des deux actrices principales - c'est leurs parcours atypiques et la souffrance qui a marqué leur vie personnelle a un moment ou un autre, que ce soit avant comme après la sortie de ce film de genre culte ...
Les viols, physiques comme psychologiques, ces femmes-là ont connu et quand on est une femme, on compatit (que l'on ait expérimenté ce type de traumatisme ou pas).
Karen Laucome et Raphaëla Anderson ont fait parti de l'industrie pornographique. La première, l'interprète de Nadine, a vivement dénoncé, lors de la sortie de ce film, la violence de cet univers machiste et misogyne pour qui les femmes ne sont qu'un vulgaire morceau de viande.
Elle a déclaré : " Double pénétration par 5 °C, suivie d'une éjaculation faciale. Couverte de sperme, trempée, morte de froid, personne ne m'a tendu une serviette. Une fois que t'as tourné ta scène, tu vaux plus rien. "
" Pourquoi les femmes se prennent des mains au cul et pas les hommes ? Tout ce qu'on leur demande, c'est la compréhension, l'égalité. Le porno, c'est des mecs qui jouissent sur la gueule des filles, la femme qui s'en prend plein la bouche et plein la tronche. Baise-moi, c'est le contraire. "
Karen Laucome ne se remettra jamais de sa courte expérience du porno et mettra fin à ses jours en 2005 ... comme quoi, il y a des blessures qui ne guérissent jamais ....
Raphaëla Anderson, l'interprète de Manu, n'a guère connu mieux à ses débuts. 4 ans après avoir démarré une carrière dans ce glauque milieux, elle mettra fin à cette dernière après s'être faite violée par deux hommes qu'elle avait croisé un soir, en faisant des courses, dans la rue et qui l'avaient reconnu .... Oui, monde de merde quand tu nous tiens !
L'auteure/réalisatrice, Virginie Despentes, a également connu les affres de la prostitution durant sa jeunesse, ainsi c'est un peu comme si les 3 principales protagonistes savaient de quoi elles parlaient en donnant vie à ce long métrage.
Alors oui, ce n'est pas un film pour les mecs car ils s'en prennent vraiment plein la gueule durant tout le film !!! On est dans un road-movie sanguinolent et complètement déjanté pendant lequel on suit les pérégrinations de ce binôme rencontré complètement par hasard mais dont c'était le destin de finir en apothéose, en se vengeant d'un karma ultra merdique. Les scènes crues (comme porno) sont choquantes, et même à la limite du gerbant (pour certaines d'entre elles) mais elles servent les personnages et leur histoire. Pourquoi seules Thelma et Louise pourraient laisser éclater leur folie et leur rage meurtrière à travers tous les States ? La folie et la misère n'ont pas de frontières ...
Les critiques n'ont pas épargné ce film lors de sa sortie. Qu'est-ce qu'il en reste 15 ans plus tard ? Un film de genre culte et à voir selon moi avec des messages forts et une allégorie de la précarité efficace. Peut-être une oeuvre militante pour les plus féministes d'entre nous. Oui, le fait d'avoir une chatte a toujours fait de la femme un être fragile et convoîté par ces mâles qui se sentent tout puissant tout ça parce qu'ils ont un phallus. Et pourtant, ces femmes-là, Nadine et Manu, elles se révèlent très fortes et déterminées, et on peut dire qu'elles en ont dans le pantalon, et pas qu'un peu ! Après, faut prendre ce film un peu au second degré et surtout pas être un maniaque de la mise en scène, mais justement le côté imparfait de la réalisation le rend plus authentique et vibrant de sincérité.
Ma note : 4/5
Le thème des femmes tueuses en série est trop peu exploité, que ce soit au cinéma comme dans la littérature. Alors oui, c'est pas commun (et même dans la vraie vie) mais ça a le mérite d'être raffraichissant et quelque peu inédit si on se détache de " Thelma & Louise ". " Baise-moi " est bien plus trash et sans concessions que le duo mythique interprété par Geena Davis et Susan Sarandon en 1991. Alors oui, à mettre entre des yeux avertis (et de plus de 18 ans). Et les scènes pornos pourront très certainement en choquer plus d'un(e) mais après tout c'est un milieu très dur et nos deux protagonistes y sont liées puisque je rappelle que le personnage de Manu est censée avoir tourné dans un porno et que celui de Nadine se prostitue régulièrement et est " fan " de ce type de films ... Ici on nous dresse le portrait de 2 femmes fortes, certes hystériques et complètement barrées qui prennent goût au meurtre et au sang (pour de l'argent puis parce que ça les fait se sentir en vie). Elles savent qu'elles sont allées bien trop loin pour renoncer et que puisqu'elles devront crever, autant y aller à fond. C'est comme si avant de se rencontrer elles n'étaient rien, et la vie ne prend tout son sens (être vécu à fond) qu'avec cette aventure vécues à deux. Attention, pas de romance lesbienne non plus, à aucune moment le film ne verse dans ce cliché ! Après, la fin est quelque peu surprenante. Je ne m'y attendais pas et je n'en dirais pas plus pour ne pas spoiler. Effectivement, dans la vraie vie, le karma merdique pourrait revenir en masse et tout faire foirer, donc ça reste assez crédible. Je pensais, au début, que j'aurais beaucoup de mal à tenir 1h15 et finalement non. Passée l'intro des personnages on rentre dans l'histoire dès que ces deux nanas se rencontrent. Une belle réussite malgré tout (un gros pieds de nés aux machos et à tous ces sales connards de violeurs, de pervers sexuels et autres détraqués) si l'on parvient à passer outre les faiblesses de la mise en scène (et une bande originale pas toujours de circonstance) ....
Et finalement, ce titre choc prend tout son sens : il s'adresse à la vie, qu'elle se consumme à toute vitesse pour pouvoir se sentir (enfin) vivant(e) !!!